Franchise et Loi El Khomri : l’incompréhensible instance dialogue
La loi El Khomri comporte une disposition inquiétante pour les réseaux de franchise (article 29 bis A (nouveau)).
Dans un « réseau de franchise » comptant « au moins cinquante salariés dans les franchisés et qu’il [le réseau] est reconnu soit dans le cadre du protocole d’accord prévu à l’article L. 23-121-5, soit par décision du tribunal d’instance » le franchiseur devrait « mettre en place d’une instance de dialogue (…) », comprenant « des représentants des salariés élus, un représentant des franchisés, assisté éventuellement d’un collaborateur ayant voix consultative, et est présidée par un représentant du franchiseur, assisté éventuellement d’un collaborateur qui a voix consultative » (Art. L. 23-121-4).
A la demande d’une ou plusieurs entreprise du réseau ou d’une organisation syndicale représentative au sein de la branche ou ayant constitué une section syndicale au sein d’une entreprise du réseau (Art. L. 23-121-3°), le protocole d’accord concerné devrait être négocié dans les 15 jours pour identifier franchiseur et franchisés, fixer les modalités d’organisation des élections, définir la composition de l’instance de dialogue (cinq représentants des salariés au moins), la durée des mandats de deux à quatre ans, le nombre de réunions (4 par ans au moins) (Art. L. 23-121-7). A défaut, le tribunal d’instance du siège du franchiseur pourra statuer sur la reconnaissance et le périmètre des entreprises du réseau et déterminer les modalités d’organisation des élections des représentants des salariés élus à l’instance de dialogue.
L’instance de dialogue serait informée (i) « trimestriellement sur l’activité, la situation économique et financière, l’évolution et les prévisions d’emploi annuelles ou pluriannuelles et les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces prévisions, la politique sociale et les conditions de travail de l’ensemble du réseau », (ii) « des décisions concernant l’organisation, la gestion et la marche générale du réseau de franchise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle », ainsi que (iii) « des entreprises entrant dans le réseau et sortant du réseau » et pourrait formuler « toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l’ensemble du réseau ».
Les salariés élus membres de l’instance bénéficient du temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions : au moins vingt heures par mois (Art. L. 23-122-1), outre le temps de trajet pour se rendre aux réunions et de réunion, tout coût étant à la charge du franchiseur.
Lorsque le franchiseur ou un franchisé du réseau envisage de licencier pour motif économique, son obligation de reclassement s’exécute également dans le cadre du réseau (Art. L. 23-123-5). Le texte consacre le principe jurisprudentiel de l’obligation de recIassement dans les réseaux.
Le texte prévoit aussi la désignation d’un délégué syndical pour les réseaux de franchise d’au moins cinquante salariés qui représentera son organisation syndicale auprès des « employeurs du réseau ». La disposition ferait qu’un délégué syndical interviendrait auprès des employés franchisés et franchiseurs.
Ce texte nie le principe d’indépendance des entreprises franchiseurs et franchisés, imposerait des contraintes lourdes à l’ensemble de ces entreprises, souvent PME voire TPE.
Affaire à suivre au Sénat.
Frédéric Fournier
Avocat Associé