Droit à la déconnexion : il est obligatoire sous peine de lourdes sanctions !

  1. Le droit à la déconnexion est obligatoire : accord d’entreprise ou charte obligatoire

Le droit à la déconnexion est aujourd’hui codifié à l’article L. 2242-17, qui prévoit :
« Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. A défaut d’accord, l’employeur élabore une charte, après avis du comité social et économique. Cette charte définit ces modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »

Le droit à la déconnexion a pour double objectif de préserver la vie personnelle et familiale du salarié et de faire respecter les temps de repos et de congé. Concrètement, il s’agit pour l’entreprise d’accorder le droit à tout salarié de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel (smartphone, ordinateur, tablette, messagerie, logiciels etc.) en dehors de son temps de travail.
En cela, il concerne tous les salariés amenés à utiliser ces technologies dans leurs activités professionnelles (travailleurs sédentaires, télétravailleurs, travailleurs nomades …).
Exemples de clause à insérer dans un accord ou une charte :

  • qualification des périodes de déconnexion : temps de déconnexion de référence (horaires détaillés, pause déjeuner…), instauration de journées sans e-mail ou de plages horaires sans connexion aux outils numériques ;
  • bonnes pratiques d’utilisation des outils numériques : utilisation raisonnée de la messagerie, du téléphone portable, activation des messageries d’absence et de réorientation, signature automatique indiquant le caractère non impératif d’une réponse immédiate, fermeture de l’accès au serveur à certaines heures, envoi d’un mail d’alerte lorsque le salarié se connecte pendant les périodes ou les heures chômées, interdiction d’emporter les téléphones et les ordinateurs professionnels pendant les congés ;
  • sensibilisation et formation des salariés et de leurs encadrants, points réguliers d’échange sur l’organisation du travail, sur la charge de travail.
  1. La formation obligatoire du personnel

L’article L. 2242-17 7o du Code du travail prévoit que des formations doivent donc être mises en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction visant à enseigner l’usage raisonnable des outils numériques.
 

  1. Les sanctions en l’absence de mise en place du droit à la déconnexion

L’employeur peut être sanctionné pénalement par un an d’emprisonnement et une amende de 3 750 euros (L.2243-1 et -2).
Rappelons également que l’employeur a en outre l’obligation d’évaluer les risques auxquels sont exposés les salariés au sein de l’entreprise dont ceux causés par les outils mis à disposition par l’entreprise et leur utilisation : le document unique doit inclure les risques présentés par l’hyperconnexion sur la santé physique et mentale des salariés.
S’agissant spécifiquement des télétravailleurs, doivent être prévues les modalités de contrôle du temps de travail, de régulation de la charge de travail et les plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le télétravailleur.
L’employeur pourra avoir à faire face à l’exercice du droit de retrait du salarié, qui estimerait ne plus pouvoir faire face au volume incessant de sollicitations numériques non maîtrisées, alors que l’accord sur la Qualité de vie au travail ou sur l’organisation du temps de travail ainsi que les formations adossées auraient dû aboutir à une amélioration de la situation.
Ensuite, en cas d’arrêt maladie, l’entreprise devra assumer la reconnaissance du caractère professionnel d’un accident du travail qui se produirait soit à un horaire tardif dans l’entreprise : la matérialité d’envois de mails ou de connexions au serveur à des heures matinales ou tardives est aisée à apporter par la victime ou sa famille.
 

  1. Sanctions en cas de non-respect du droit à la déconnexion : sanction disciplinaires obligatoires

Tout salarié doit prendre soin de sa santé ainsi que de celles de ses collègues, en fonction de sa formation et de ses possibilités (C. trav., art. L. 4122-1). Cette obligation de moyens implique notamment de ne pas nuire à ses collègues et d’obéir aux consignes de sécurité.
Dans le cadre d’un droit d’alerte pour atteinte aux droits des personnes, un membre d’un CSE pourrait signaler une atteinte à la vie privée d’un ou plusieurs salariés. Après enquête, il pourrait apparaître que nonobstant un accord collectif sur le sujet, des actions de sensibilisation menées auprès des équipes, et une évaluation régulière de la charge de travail, l’entreprise compte parmi ses managers et au sein de ses équipes plusieurs salariés abusant des outils numériques par l’envoi récurrent de mails durant leurs congés ou repos hebdomadaires ou ceux de leurs collègues, voire clients ou fournisseurs.
En cas d’abus, l’entreprise se doit de rappeler à l’ordre les salariés concernés, et de veiller au respect des dispositions conventionnelles qu’elle a elle-même instaurées. Cela concernera autant les encadrants négligents que les collaborateurs eux-mêmes, qui ne se seront pas suffisamment protégés contre les dangers de l’hyperconnexion.

En fonction de la gravité des écarts commis (fréquence, contenu des envois, caractère d’urgence de la situation traitée), des avertissements voire des sanctions plus lourdes pourront être prononcées. Il s’agit de réagir par des mesures proportionnées à la place que prennent les outils numériques, la dématérialisation et le travail à distance dans le quotidien professionnel.

Benjamin Louzier
Avocat Associé