Loi EGAlim 2 : à vos stylos et vos calculettes

La Loi n°2021-1357 visant à protéger la rémunération des agriculteurs dite Egalim 2 a été promulguée le 18 octobre 2021.

La Loi ASAP avait instauré l’encadrement des promotions sur les produits alimentaires et petfood comme suit :

*        Encadrement en valeur pour les promotions chiffrées : les avantages promotionnels, le cas échéant cumulés, pour un produit déterminé, ne peuvent pas être supérieurs à 34% du prix de vente au consommateur ou à une augmentation de la quantité vendue équivalente.

*        Encadrement en volume : les avantages accordés par le fournisseur ou le distributeur doivent porter sur une quantité de produits ne représentant pas plus de 25% d’un volume ou d’un chiffre d’affaires déterminé à l’avance par les parties au contrat. Les fournisseurs et les distributeurs doivent s’assurer que la valeur à l’achat des produits revendus en promotion ne dépasse pas 25% du chiffre d’affaires prévisionnel stipulé au contrat. Des dérogations sont définies par des arrêtés évolutifs : arrêté 29 août 2021 (foie gras, chocolat Noël/Pâques…).

La loi Egalim 2 renforce le dispositif au bénéfice des agriculteurs : français ? Non pour les produits livrés en France.

Que prévoit le texte ?

  1. Contrats écrits de vente de produits agricoles (article L631-24 C. Rur.) entre un producteur et son premier acheteur pour les produits agricoles livrés en France, sauf produits soumis à accises, vins, raisins :

Des clauses obligatoires doivent figurer au contrat :

  • Prix et révision de prix (hausse et baisse) : : « Au prix et aux modalités de révision automatique, à la hausse ou à la baisse, de ce prix, selon une formule librement déterminée par les parties, ou aux critères et modalités de détermination du prix, parmi lesquels la pondération des indicateurs mentionnés au quinzième alinéa du présent III » ;
    • Quantité totale, l’origine et la qualité du produit concerné ;
    • Modalités relatives aux procédures et délais de paiement ;
    • Modalités de collecte ou de livraison des produits ;
    • Durée du contrat > trois ans ;
    • Règles applicables en cas de force majeure ;
    • Délai de préavis et l’indemnité en cas de résiliation du contrat ; en cas d’aléa sanitaire ou climatique exceptionnel indépendant de la volonté des parties, aucune pénalité ne peut être imposée à un producteur ne respectant pas les volumes prévus au contrat.
  • La Loi prévoit aussi une expérimentation pendant 5 ans d’une clause de « tunnel de prix » : bornes minimales et maximales à l’intérieur desquelles pourra varier le prix convenu. Un décret n° 2021-1415 du 29 octobre 2021 fixe pour le secteur de la viande bovine, les conditions d’une expérimentation de l’utilisation obligatoire d’un modèle de rédaction de clause tunnel applicable à compter du 1er janvier 2022.
  • Sont interdites les clauses prévoyant une modification automatique des prix au regard des tarifs pratiqués par la concurrence.
  • si un contrat porte sur un produit dont le producteur a engagé la production depuis moins de 5 ans, il ne pourra être résilié par l’acheteur avant le terme de la période initiale.

Au choix du fournisseur, il existe 3 options :

  • Pour chacune des matières premières agricoles et des produits transformés composés de plus de 50% de matières premières agricoles entrant dans la composition du produit, sa part dans la composition dudit produit, sous forme d’un pourcentage en volume et d’un pourcentage du tarif du fournisseur.
  • La part agrégée des matières premières agricoles et des produits transformés composés de plus de 50% de matières premières agricoles entrant dans la composition du produit sous forme d’un pourcentage en volume et d’un pourcentage du tarif du fournisseur.
  • Si une évolution du tarif du fournisseur par rapport à l’année précédente, l’intervention d’un tiers indépendant, au frais du fournisseur, chargé de certifier au terme de la négociation qu’elle n’a pas porté sur la part de cette évolution qui résulte de celle du prix des matières agricoles (un tiers certifie la part de l’évolution des matières agricoles dans l’évolution du tarif)

2)      CGV des produits alimentaires et des pet food (nouvel article L.441-1-1 C.Com.)

Pour les deux premiers cas susvisés, l’acheteur peut demander une vérification par un tiers indépendant, au frais de l’acheteur. Le prix de la matière première est le prix payé par le premier acheteur.

Cet article ne s’applique pas aux grossistes ni aux ventes de produits exclus par l’annexe 1 du Décret no 2021-1426 du 29 octobre 2021, à moins qu’ils ne constituent des ingrédients…

3)      Contrats de distribution (article L443-8 C. Com)

Le distributeur dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception des CGV pour motiver explicitement et de manière détaillée, par écrit, le refus de ces dernières ou les dispositions des CGV qu’il souhaite soumettre à la négociation, soit notifier leur acceptation. Les CGV doivent être communiquées au plus tard le 1er décembre.

Une convention écrite entre le fournisseur et le distributeur doit répondre aux conditions suivantes :

  • Stipuler les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l’issue de la négociation commerciale, ainsi que leur prix unitaire.
    • Se conformer aux dispositions de L. 441-4 mais la négociation commerciale ne porte pas sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix des matières premières agricoles et des produits transformés.
    • Mentionner la part du prix unitaire ou agrégé des matières premières agricoles et des produits transformés sauf en cas d’intervention d’un tiers indépendant, et les modalités de prise en compte de ce prix d’achat dans l’élaboration du prix convenu.
    • Définit une clause de révision automatique des prix du contrat en fonction de la variation du coût de la matière première agricole, à la hausse ou à la baisse.
    • durée d’un an, de deux ans ou de trois ans.

La convention doit être conclue au plus tard le 1er mars de chaque année.

4)      Clause de renégociation (article L441-8 C. Com)

  • En cas de contrat d’une durée d’exécution supérieure à trois mois portant sur la vente des produits agricoles et alimentaires figurant sur une liste fixée par décret, dont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires et des produits agricoles et alimentaires et, le cas échéant, de l’énergie, du transport et des matériaux d’emballage comportent une clause relative aux modalités de renégociation du prix permettant de prendre en compte ces fluctuations à la hausse comme à la baisse.
  • Pas de changement sur la procédure de négociation

5)      MDD (article L441-7 C. Com)

  • Le prix des produits doit tenir compte des efforts d’innovation réalisés à la demande du distributeur.
    • Une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole ou des produits transformés: les parties déterminent librement la formule de révision (notamment indicateurs relatifs aux coûts de production en agriculture) doit être définie.
    • Le distributeur peut demander au fabricant de mandater un tiers indépendant pour attester, sous quinze jours, l’exactitude de la variation du coût de la matière première agricole supportée par le fabricant.
    • L’appel d’offres portant sur la conception et la production de MDD alimentaires comporte un engagement du distributeur relatif au volume prévisionnel.
    • La convention doit comporter une clause sur le volume prévisionnel que le distributeur s’engage à faire produire sur une période donnée (délai raisonnable de prévenance en cas de variations), un préavis minimum contractuel en cas de rupture de la relation contractuelle avec sort et modalités d’écoulement des emballages et des produits finis et une clause de répartition entre le distributeur et le fournisseur des différents coûts additionnels survenant au cours de l’exécution du contrat.
    • Aucune dépense liée aux opérations promotionnelles à la charge du fabricant.

6) Principe de non-négociabilité du coût des matières premières agricoles.

  • Entre les industriels et les distributeurs, la part du prix correspondant au coût des matières premières agricoles est non-négociable.
  • S’applique à tous les produits alimentaires quelle que soit la part de produits agricoles dans le produit fini. Un décret en Conseil d’Etat fixera un seuil de chiffre d’affaires en dessous duquel ce principe pourrait ne pas s’appliquer.
  • Une rémunération « ligne à ligne »: transparence sur les différents services facturés par la distribution aux industriels.

7) Logistique

  • Les pénalités logistiques sont rigoureusement encadrées.
  • Il est interdit de procéder au refus ou au retour de marchandises, sauf en cas de non-conformité de celles-ci ou de non-respect de la date de livraison.

8)      Affichage

  • Un affichage pour le consommateur d’une information relative aux conditions de rémunération des producteurs de produits agricoles (cinq ans): marquage, étiquetage, tout autre procédé approprié, voie électronique. « Il fait notamment ressortir, de façon facilement compréhensible pour les consommateurs, l’impact en termes de rémunération des producteurs des prix auxquels sont achetés leurs produits. »

9)      Points de vigilance – Entrée en vigueur :

  • Les dispositions relatives à l’obligation d’un contrat écrit sont applicables aux accords-cadres et contrats à compter d’une date qui sera fixée par décret pour chaque filière (décret n° 2021-1416 du 29 octobre 2021 : entrée en vigueur anticipée, pour les filières bovine, porcine et du lait cru de brebis, de chèvre et de vache), et au plus tard le 1er janvier 2023.
  • Les accords-cadres et contrats en cours à la date d’entrée en vigueur mentionnée ci-dessus devront être mis en conformité lors de leur prochain renouvellement et au plus tard un an après la date d’entrée en vigueur fixée par décret.
  • Les contrats établis sur la base d’un contrat-type défini dans le cadre d’un accord interprofessionnel étendu peuvent être renouvelés ou prolongés avant la mise en conformité de ce contrat-type. Ils devront être mis en conformité au plus tard un an après l’entrée en vigueur des dispositions ci-dessus.
  • Les dispositions sur la part de la matière première présentée dans les conditions générales de vente s’appliquent à compter 20 novembre 2021 pour les CGV (date du premier jour du mois suivant la publication de ladite loi).
  • Les dispositions sur la clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole ou des produits transformés entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2022. Les conventions en cours sont mise en conformité avec ces dispositions au plus tard le 1er janvier 2023.

Frédéric Fournier

Avocat associé

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