Covid-19 – Annulation voyages : professionnels, comment mettre en place l’avoir au lieu du remboursement ?

Le point par Emmanuelle Behr (Redlink Avocats)

L’Ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 « relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure » a été publiée le 26 mars au Journal Officiel. Elle est accompagnée d’un Rapport au Président de la République qui explique les raisons et conditions de sa mise en œuvre.

Quelles sont les réservations annulées du fait du Covid-19 qui peuvent faire l’objet de l’avoir ?

Les professionnels peuvent imposer l’avoir en lieu et place du remboursement en cash en cas d’annulation des voyages entre le 1er mars et le 15 septembre 2020 ; que ces annulations aient été faites du fait du Covid-19 par les voyageurs (article L211-14 II du Code du tourisme) ou par l’organisateur ou le détaillant (article L211-14 III).

Cette possibilité est ouverte aux vendeurs (organisateur ou détaillant) de voyages à forfait ou aux hôteliers, loueurs de voiture ou autres professionnels qui vendent directement leurs propres prestations touristiques. Les ventes de titres de transports seuls sont exclues de ce dispositif.

Que faire pour les annulations antérieures au 1er mars ?

Elles ne bénéficient pas de l’ordonnance mais le professionnel peut tout à fait proposer l’avoir au voyageur.

Est-ce que ce dispositif s’applique aux annulations alors que le voyage pouvait être effectué dans des conditions normales ?

Les annulations « de précaution » par le voyageur alors que le voyage pouvait être exécuté ne donnent en principe pas lieu à remboursement mais à application des conditions d’annulation telles que prévues aux conditions générales du vendeur.

Le voyageur peut-il refuser l’avoir ?

Dès lors que le professionnel a choisi de bénéficier du dispositif dérogatoire de l’avoir et qu’il respecte les obligations imposées par l’ordonnance, le voyageur ne peut pas refuser l’avoir et demander un remboursement des sommes perçues.

Quelles étapes pour mettre en place l’avoir ?

Trois étapes : informer, proposer un report, utiliser l’avoir ou rembourser.

1. Informer : pour pouvoir bénéficier du régime dérogatoire de l’avoir, le professionnel doit impérativement informer le voyageur de la mise en place du dispositif sur support durable (c’est-à-dire un écrit auquel le consommateur peut se reporter, soit mail ou courrier LRAR).

Contenu de l’information obligatoire : l’information doit comporter le montant de l’avoir qui est de l’intégralité des paiements effectués au titre du contrat résolu (acompte ou totalité), la durée validité de l’avoir de 18 mois et le fait qu’une proposition de report devra être formulée dans les trois mois.

Délai pour communiquer :

– pour les contrats résolus entre le 1er mars et le 26 mars 2020 inclus : le professionnel doit informer le voyageur au plus tard le 26 avril 2020;

– pour les contrats résolus entre le 27 mars 2020 et le 15 septembre 2020 inclus : le professionnel a 30 jours à compter de la date de résolution du contrat.

2. Proposer un report : l’ordonnance impose aux professionnels qui veulent bénéficier de l’avoir de proposer une nouvelle prestation au voyageur :

Conditions de la prestation de remplacement : elle doit être identique ou équivalente à celle annulée. Donc l’organisateur ou le détaillant pourra proposer par exemple un voyage vers la même destination mais dans un hôtel différent dès lors qu’il est de même catégorie et qu’on peut considérer qu’il propose des prestations équivalentes. Point très important, l’ordonnance n’impose pas que les dates soient identiques à celles initialement réservées.

Quant au prix, il doit être inférieur ou égal au prix du contrat résolu. Aucune majoration tarifaire ne peut donc être imposée (autres que celles prévues au contrat d’origine). C’est seulement à la demande expresse du voyageur que les professionnels pourront proposer au voyageur une prestation dont la qualité et le prix sont supérieurs à ceux du contrat résolu. Auquel cas le voyageur sera tenu de payer une somme complémentaire, couvrant la différence entre le montant de l’avoir et le prix de la nouvelle prestation.

L’ordonnance ne le précise pas mais cette proposition devra être accompagnée des modalités pratiques : délais pour accepter, utilisation de l’avoir, etc.

Délai pour proposer cette prestation : trois mois à compter de la notification de la résolution du contrat.

3. Utilisation de l’avoir dans les 18 mois ou remboursement

Acceptation de la prestation : Lorsque le client accepte la proposition de remplacement ou toute autre prestation qu’il solliciterait et utilise son avoir, cela fera l’objet d’un nouveau contrat de vente qui pourra prévoir de nouvelles conditions, notamment d’annulation en fonction des conditions qui auront été imposées en amont par les fournisseurs par exemple.

Silence ou refus du voyageur d’utiliser son avoir, alors il aura droit au remboursement des sommes versée au titre du contrat initial à l’issue du délai de validité de l’avoir de 18 mois.

Quelles sanctions pour non-respect de l’ordonnance ?

L’ordonnance ne prévoit pas expressément de sanctions en cas de violation de ses dispositions mais dès lors qu’elle met en place un régime dérogatoire, tout non-respect devrait entraîner le retour au principe du remboursement de l’ensemble des sommes versées.

Emmanuelle BEHR
Avocate Associée