Marché public et placement en redressement pendant la consultation
1. Une société en situation de liquidation judiciaire au sens de l’article L.640-1 du Code de commerce ne peut pas soumissionner à un marché public (de même pour une personne physique en faillite personnelle au sens de l’article L.653-2 C. Com.).
En revanche, une société en redressement au sens de l’article L.631-1 C. Com. peut soumissionner à un marché public, dès lors qu’elle justifie avoir été autorisée à poursuivre son activité pendant la durée prévisible du marché (CAA Nancy, 28 novembre 2013, Office public d’habitat Metz Habitat Territoire, req. n° 13NC00967). Le pouvoir adjudicateur doit s’en assurer.
Rappelons également qu’en l’état des dispositions du Code des marchés publics, la société candidate doit également être en mesure de justifier de la régularité de sa situation au plan fiscal et social (art. 46 CMP). Ce sera le cas de celle bénéficiant d’un plan de continuation, mais pas de celle se trouvant en période d’observation – voir sur ce point la lettre de l’ACOSS du 29 avril 2008).
2. Rappelons qu’une société placée en redressement judiciaire a l’obligation d’en informer le pouvoir adjudicateur.
L’article 44 du Code des marchés publics requiert la production de la copie du jugement statuant sur la procédure collective.
Le dissimuler constitue au demeurant une fraude administrative qui autorise le pouvoir adjudicateur à exclure la société en cours de procédure (CE, 8 décembre 1997, Société A 2 IL, req. n° 154715).
3- L’ensemble des règles précitées s’appliquent aux situations de procédure collective ouvertes avant le dépôt des offres.
Par une récente décision (CE, 26 mars 2014, Commune de Chaumont, req. n° 374387), le Conseil d’Etat vient de préciser comment traiter une société faisant l’objet d’une procédure collective en cours de consultation, après le dépôt des offres.
Tout d’abord, l’entreprise concernée a l’obligation d’informer le pouvoir adjudicateur : « dans l’hypothèse où l’entreprise candidate à l’attribution d’un marché public a été placée en redressement judiciaire après la date limite fixée pour le dépôt des offres, elle doit en informer sans délai le pouvoir adjudicateur (…) ».
Ensuite, le pouvoir adjudicateur informé a l’obligation de procéder aux mêmes vérifications que celles requises si la situation de l’entreprise avait été connue avant (cf. pt. 1 supra) : il « doit alors vérifier si l’entreprise est autorisée à poursuivre son activité au-delà de la durée d’exécution du marché et apprécier si sa candidature reste recevable ».
Si le pouvoir adjudicateur constate que ce n’est pas le cas, il ne peut alors poursuivre la procédure de consultation en cours avec ladite société. Elle doit en être exclue.
4- Le Conseil d’Etat indique, en outre, que si la recevabilité d’un candidat faisant l’objet d’une procédure collective n’a pas été traitée en amont, elle peut être examinée devant le juge.
Ainsi, le Conseil d’Etat confirme que le placement en procédure collective après la date limite de dépôt des offres d’une société candidate à un appel d’offres peut être évoquée devant le juge du référé précontractuel qui doit alors le vérifier.
Le juge du référé doit donc « apprécier si cette candidature est recevable et […] annuler, le cas échéant, la procédure au terme de laquelle l’offre de l’entreprise aurait été retenue par le pouvoir adjudicateur ».
Bien que le Conseil d’Etat ne traite pas ce sujet dans la présente décision rendue en cassation sur un référé précontractuel, on ne voit pas ce qui ferait obstacle à ce que les mêmes principes s’appliquent à l’occasion d’un recours au fond.
5- En conclusion, on ne peut que conseiller aux opérateurs économiques faisant l’objet d’une procédure collective d’informer rapidement les acheteurs publics et d’obtenir parallèlement, si les conditions sont réunies, du tribunal de commerce une décision leur permettant de faire valoir leur candidature au regard de la durée d’un marché escompté.
Parallèlement, les opérateurs économiques ne doivent pas omettre de vérifier si leurs éventuels concurrents font le cas échéant l’objet d’une procédure collective, au risque de se priver légitimement d’un marché public qu’un attributaire ne serait, en réalité, pas capable d’assumer jusqu’à son terme.
Alexandre Le Mière
Avocat Associé