Projet de loi Lefebvre – Protection des consommateurs et Affiliation – Distribution

Projet de loi Lefebvre – Protection des consommateurs et Affiliation – Distribution

Répondant ainsi à l’invitation de l’Autorité de la Concurrence (ADC) dans son avis n° 10-A-26 du 7 décembre 2010, le Gouvernement présente un projet de loi régissant les relations au sein des réseaux de distribution alimentaire, bien qu’il soit affiché comme un texte de protection du consommateur destiné réduire les « dépenses contraintes » des ménages selon le Ministre Frédéric Lefebvre (services de communication, baux d’habitation…). Le texte reste partiel et discutable.

De quoi s’agit-il ? Compléter l’article L.330-3 C. Com. (« loi Doubin ») par les articles L.340-1 à 340-7 relatifs à la convention d’affiliation, à savoir un contrat emportant concession de marque ou enseigne et assorti d’un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité, pour l’exploitation de commerces de détail non spécialisés en libre service et dont le chiffre d’affaires hors taxes, hors carburant, provient pour plus du tiers de la vente de produits alimentaires.

La convention d’affiliation devra comprendre les informations relatives aux engagements « susceptibles de limiter la liberté d’exercice » de l’affilié « de son activité de commerçant ». La convention devra être remise deux mois avant la signature du contrat (articles L.340-2 et L.340-3) et comportera la présentation des conditions de l’affiliation et de la participation au groupement, d’utilisation des services commerciaux apportés à l’exploitant, en particulier des services d’approvisionnement et d’usage des marques et enseignes, Le fonctionnement du réseau mais surtout les conditions de renouvellement, cession et résiliation des contrats régissant les relations commerciales découlant de l’affiliation et les obligations applicables après rupture des relations d’affiliation.

Là où, la loi Doubin n’est sanctionnée par la nullité qu’en cas de vice du consentement. La loi Lefevbre emportera nullité absolue (Art. L. 340-3. – I.).

Le délai de préavis de non renouvellement sera fixé par décret, mais l’affiliant ou le franchiseur devra notifier six mois au moins avant l’expiration du délai de dénonciation du non-renouvellement de la convention d’affiliation, une notification rappelant à l’affilié la date et les conditions de résiliation.

Les clauses d’approvisionnement exclusif pour plus de 80 % sont limitées à cinq ans. Cette règle peut surprendre, car le droit de la concurrence l’envisageait. Pour explication du Règlement UE n°330/2010 du 20 avril 2010, la Commission avait établi des Lignes directrices sur les restrictions verticales (LD) au sein desquelles elle traitait cette question. Cependant, la loi française traduit doublement mal l’objectif de la Commission : d’une part, la Commission exemptait au regard des pratiques anticoncurrentielles ces clause de quota à 80 % au moins pour les réseaux ayant des parts de marché de moins de 30% (ceci n’existe pas sur la marché de la grande distribution et des durées d’engagement de moins de 5 ans. Elle ne visait là que les opérations de monomarquismes (une seule marque), ce qui n’est pas le cas de la grande distribution… Les clauses non exemptées étaient rachetables (point 132 et suivants des LD).

Pour le reste, les droits d’entrée devront être payé au moment de la signature du contrat ou avec échelonnement.

Enfin, là encore, le projet de loi valide des clauses souvent discutées devant les juridictions mais adopte une approche concurrentielle sans analyse de marché national ou local préalable. Les clauses de non-concurrence ou de non réaffiliation (dont la cour de cassation a rappelé le 28 septembre 2010 qu’elles se distinguent par leur objet) sont interdites au terme du contrat (Article L. 340-6.), à moins d’être limitées aux biens et services en concurrence avec ceux, objets de la convention d’affiliation, aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée de la convention d’affiliation, indispensables à la protection du savoir-faire « substantiel, spécifique et secret » et de ne pas excéder un an après le terme contractuel. Il conviendra d’apprécier ces règles au regard des LD qui semblent plus souples.

Pour les contrats en cours, l’échéance initialement placée au 1er juillet 2012, est à horizon 2018. L’objectif affiché de concurrence pourrait donc attendre… Surtout, c’est la porte ouverte aux résistances de franchisés ou affiliés qui s’épargneront de mettre à jour leur contrat pour en exciper la nullité en temps utile.

La loi dépasse probablement son objectif. Ce qui était éventuellement coupable dans le contexte d’une concurrence dévoyée ou restreinte, le sera par principe. Il s’agit d’ un postulat respectable, mais aux effets étonnamment limités a la grande distribution alimentaire, qui, par un tropisme récurrent, se voit décriée bien à torts et objet de toute les récriminations pour des pratiques légitimes au regard des investissements. Ainsi épargne-t-on la distribution non alimentaire ou spécialisée dont la situation de concurrence semblerait a priori exempte de toute critique. Plus grave, c’est ouvrir le ban a des critiques de plus en plus vive des franchisés ou affiliés dans un contexte déjà très judiciarisé.

La loi en revanche semble ne pas aborder la question des droits de préférence ou préemption déconnectés des valeurs de marché, à savoir les engagements de cession de ses fonds, actions, parts, murs par le franchisé ou affilié à des conditions hors marché, puisque survenant hors de tout offre de tiers et non pas à prix et conditions égaux de celui proposé par le tiers.

Frédéric Fournier
Avocat Associé

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