Droit public / sanctions administratives : clarté et prévisibilité de la règle sont nécessaires pour infliger d’éventuelles sanctions administratives
1. La sanction administrative est une sanction non pénale que l’administration a le pouvoir de prononcer de façon unilatérale lorsqu’une personne a manqué à une obligation imposée par une loi ou un règlement.
Les hypothèses de sanctions administratives sont très nombreuses et en croissance constante. De nombreuses législations prévoient ainsi des sanctions qui peuvent être infligées par l’administration aux opérateurs économiques (par ex. en matière d’enquêtes statistiques, en matière de droit du travail, débits de boissons, enseignes, concurrence, consommation, délais de paiement, transport, sport, communication, télécommunications, électricité, etc.).
2. La sanction administrative étant une « punition », la possibilité de les infliger est entourée d’un certain nombre de protections et de garanties au profit de l’opérateur économique concerné.
Ainsi, la sanction doit avoir été prévue par un texte ; elle ne peut s’appliquer qu’à l’auteur du manquement à la réglementation administrative et ne peut avoir aucun caractère rétroactif ; elle doit être proportionnée à la gravité du manquement commis et un même fait ne peut donner lieu à plusieurs sanctions administratives (voire, au plan pécuniaire, se cumuler avec une sanction pénale).
3. Cependant, pour que ces protections et garanties puissent réellement s’appliquer, encore faut-il que le texte prévoyant la sanction administrative soit lui-même clair et prévisible.
C’est ce que le Conseil d’Etat a précisé dans une décision du 16 décembre 2016 (req. n°390324).
Dans cette affaire un groupement d’employeurs s’était vu infliger une sanction administrative par la DIRRECTE qui considérait que ledit groupement n’avait pas respecté la réglementation relative à l’emploi de travailleurs handicapés et notamment l’obligation de déclaration annuelle prévue à ce titre par le Code du travail.
Ce groupement a contesté cette sanction pour différents motifs ; il a notamment mis en avant que l’administration avait adoptée plusieurs positions différentes et indiqué que la règle n’était pas suffisamment claire pour être raisonnablement prévisible pour les professionnels concernés.
Le Conseil d’Etat a donné raison au groupement en jugeant que « le principe de légalité des délits et des peines, qui s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition, fait obstacle à ce que l’administration inflige une sanction si, à la date des faits litigieux, la règle en cause n’est pas suffisamment claire, de sorte qu’il n’apparaît pas de façon raisonnablement prévisible par les professionnels concernés que le comportement litigieux est susceptible d’être sanctionné ».
4. Il résulte de cette décision que les opérateurs économiques doivent donc disposer de règles claires et précises, c’est à dire prévisibles, et qu’à défaut ils doivent engager, si ce n’est une contestation, à tout le moins un dialogue avec l’administration dès lors que cette dernière les sanctionne au titre d’un manquement à une obligation administrative « imprécise » et non raisonnablement prévisible.
Dans le même temps, le Conseil d’Etat rappelle qu’il appartient aux opérateurs économiques de procéder à leur propre analyse de la situation avec sérieux puisqu’ils doivent appréhender leurs obligations administratives de façon « raisonnable » (en effet, si la règle doit être claire dans la mesure où elle apparait « de façon raisonnablement prévisible par les professionnels concernés »).
Alexandre Le Mière
Avocat Associé