Concurrence : combattre le mal par le mal, c’est mal…

Concurrence : combattre le mal par le mal, c’est mal… 

Par un arrêt du 7 février 2013, la Cour de justice de l’Union rappelle qu’il n’appartient pas aux entreprises de faire elles-mêmes la police de la concurrence en excluant un opérateur concurrent du marché, quand bien même celui-ci exercerait son activité de façon illégale. 

Le 19 novembre 2009, l’Autorité de la concurrence slovaque a sanctionné d’une amende trois banques pour avoir résilié de manière coordonnée les contrats concernant les comptes courants d’une entreprise tchèque Akcenta, un établissement non bancaire fournissant des services consistant en des opérations de change scriptural. Selon l’Autorité, les trois banques, qui s’agaçaient de la baisse de leurs profits résultant de l’activité de la société Akcenta auprès de leurs clients, se sont concertées pour exclure ce concurrent devenu gênant en résiliant puis en ne renouvelant pas les contrats en cause.

L’une des banques, Slovenská sporiteľňa, forma un recours contre la décision de l’Autorité nationale de concurrence en faisant valoir qu’elle n’avait pas enfreint les règles de la concurrence puisque Akcenta ne pouvait être considérée comme un concurrent. En effet celle-ci ne disposait pas de l’autorisation requise par le droit slovaque pour exercer son activité qu’elle exerçait par conséquent de façon totalement illégale. Par ailleurs, celle-ci fit valoir que son employé ayant participé à la réalisation de l’entente n’avait pas reçu mandat à cet effet, ce qui l’exonérait de toute responsabilité.

Saisie sur renvoi préjudiciel de la Cour suprême slovaque, la Cour de justice considère :

  • que le fait qu’un opérateur exerce son activité sur le marché de façon prétendument illégale est sans incidence pour déterminer si les conditions d’une infraction aux règles de concurrence sont réunies (pts. 16-19) ;
  •  qu’il appartient aux seules autorités publiques, et non aux entreprises d’assurer le respect des règles de concurrence (pt. 20-21) ;
  •  que la participation à des ententes illégales constitue le plus souvent une activité clandestine non soumise à des règles formelles, de telle sorte qu’il est assez rare qu’un représentant d’une entreprise participe à une réunion en étant muni d’un mandat pour commettre une infraction (pts. 26-28) ;
  •  Enfin, que le caractère prétendument illégal de l’activité de l’opérateur évincé ne permet pas d’obtenir une exemption individuelle au titre de l’article 101 §3 du TFUE : quand bien même la condition de promotion du progrès économique serait remplie, les trois autres conditions requises ne le seraient pas, particulièrement la condition selon laquelle un accord ne doit pas imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs visés par la première condition prévue à l’article 101 §3 du TFUE. Il appartenait en effet aux banques de saisir les autorités compétentes d’une plainte à cet égard et non d’éliminer elles-mêmes l’entreprise concurrente du marché (pts. 31-35).

 [CJUE, 10e ch., 7 février 2013, aff. C-68/12, Slovenská sporiteľňa a.s.] 

 

Charles Méteaut
Avocat à la Cour

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