Transparence administrative : une procédure juridictionnelle en cours peut limiter le droit à communication des documents administratifs

Transparence administrative : une procédure juridictionnelle en cours peut limiter le droit à communication des documents administratifs

1- La transparence administrative oblige les autorités administratives (ou assimilées) à communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent dès lors qu’un administré le demande.

Cependant afin d’éviter d’affaiblir les administrations par une transparence sans limite, le loi a prévu des exceptions.

Ainsi, afin notamment de garantir le principe constitutionnel d’indépendance des juridictions et l’objectif à valeur constitutionnel de bonne administration de la justice, le législateur a notamment limité la communication des documents administratifs qui porterait atteinte aux procédures juridictionnelles en cours ou aux opérations préliminaires susceptibles de les précéder (sauf autorisation donnée par l’autorité compétente – art. L.311-5 CRPA).

Néanmoins et comme l’a jugé le Conseil d’Etat (CE, 21 octobre 2016, CHSCT de la société Goodyear Dunlop Tires France, req. n° 380504), il n’y a aucune automaticité en la matière : le seul fait qu’un acte administratif soit transmis à une autorité juridictionnelle ou à une autorité de poursuite n’implique pas qu’il ne soit plus communicable à un administré qui le demande.

En effet, l’autorité administrative à laquelle est demandée la communication d’un document administratif (par ailleurs transmis dans le cadre d’une procédure juridictionnelle ou préliminaire) doit concrètement rechercher ou vérifier si une telle communication est de nature à porter atteinte au déroulement de ladite procédure juridictionnelle (à moins, naturellement, que l’autorité judiciaire ait, elle-même, donné son accord).

2- Le cas jugé en l’espèce porte sur la demande de communication d’un rapport établi par l’administration du travail sur la prévention des risques psychosociaux au sein d’une entreprise.

Dans le cadre de l’enquête menée par l’administration et ayant abouti à l’établissement du rapport, l’inspection du travail avait estimé que plusieurs infractions au code du travail avaient été commises. L’inspecteur en avait en conséquence avisé le procureur de la République comme l’y oblige la loi (art. 40 du Code de procédure pénale).

Le CHSCT a, de son côté, demandé la communication du rapport établi par l’inspection du travail. Cette communication a été refusée par l’autorité administrative, au motif que le rapport avait été communiqué au procureur de la République et que sa communication porterait atteinte au déroulement d’une procédure juridictionnelle ou à une procédure préliminaire.

Ce refus a conduit le CSHCT à demander la communication forcée du rapport auprès du tribunal administratif, lequel a confirmé le refus initial de l’autorité administrative.

C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat a été saisi et a annulé la décision du tribunal administratif car il n’avait pas vérifié, en l’espèce, si cette communication serait effectivement concrètement de nature à porter atteinte au déroulement de la procédure juridictionnelle évoquée.

L’affaire a, finalement, été renvoyée au tribunal administratif pour qu’il vérifie cet aspect.

 

Alexandre Le Mière
Avocat associé

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