Marché public : répondre efficacement aux demandes de justification de l’offre anormalement basse
1- Lorsqu’un acheteur public estime qu’une offre remise par un candidat à l’attribution d’un marché public est susceptible d’être anormalement basse, il doit demander des explications à ce candidat.
En effet le Code des marchés publics (art. 55) prévoit que le pouvoir adjudicateur contrôle une offre qui parait anormalement basse lors d’un appel d’offres.
Après une période de flottement jurisprudentiel quant aux principes, conditions et modalités d’application du contrôle des offres anormalement basses par l’acheteur public, il résulte des décisions que Conseil d’Etat que l’acheteur public a l’obligation de contrôler la consistance d’une offre paraissant anormalement basse.
L’acheteur public doit ensuite rejeter l’offre anormalement basse avérée ou, dans l’hypothèse où il n’a pas obtenu les justifications adéquates (voir : CE, 1er mars 2012, Département de la Corse du Sud, req. n° 354159 ; CE, 29 mai 2013, société Artéis, req. n° 366606).
2- Par une décision du 15 octobre 2014 (CE, 15 octobre 2014, Communauté urbaine de Lille, req. n° 378434), le Conseil d’Etat a précisé que si les justifications apportées par le candidat sont insuffisantes, l’offre doit être considérée anormalement basse et par conséquent elle doit être rejeté.
En l’espèce, l’acheteur public, qui avait constaté que deux offres apparaissaient anormalement basses, avait sollicité les candidats concernés en application de l’article 55 CMP.
Le Conseil d’Etat relève que « pour justifier les prix proposés, les deux sociétés requérantes se sont bornées à mettre en avant leur longue expérience et leur qualité de précédent titulaire du marché sans répondre aux demandes précises formulées par le pouvoir adjudicateur » (cf. 9ème considérant).
Il est ainsi relevé que, non seulement, les entreprises s’étaient contentées de fournir des explications « génériques » (qui n’apparaissaient donc pas directement en rapport avec le contenu des offres remises), mais en outre qu’elles s’étaient abstenues de répondre à des questions précises posées par l’acheteur public.
Le Conseil d’Etat en tire les conséquences et déduit que l’acheteur public n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que les offres considérées étaient anormalement basses à défaut d’explication suffisante et adéquate de la part des candidats.
Le Conseil d’Etat valide donc la décision de l’acheteur public de rejeter les offres comme anormalement basses pour ce motif.
3- Il appartient donc aux candidats d’être très vigilants sur cet aspect des appels d’offres.
Il est donc d’abord conseillé aux candidats de rassembler en amont les explications et justifications de leur offres (notamment et surtout lorsqu’elles reposent sur un prix dont ils savent qu’il est inférieur aux prix habituellement pratiqués). Ce travail amont leur permet d’être en mesure de répondre rapidement et de façon structurée aux éventuelles demandes (précises ou non) des acheteurs publics.
Il est ensuite préconisé d’être très attentif à la façon de répondre à l’acheteur public.
En effet, une simple réponse « générique » ou « d’évidence » est clairement insuffisante. Il faut donner des explications consistantes à l’acheteur public (ou lui demander qu’ils précisent ses interrogations si elles ne sont pas assez claires ou précises).
Mais, dans le même temps, le candidat n’a pas à dévoiler l’intégralité des éléments ou justifications à produire : en effet, l’acheteur public ne peut pas opérer un contrôle détaillé sur les justifications données, son contrôle étant limité (à « l’erreur manifeste d’appréciation »).
En libellant correctement leurs réponses et en « dosant » le niveau d’informations qu’elles acceptent de communiquer (notamment au regard du secret des affaires), les entreprises se trouvent ainsi en mesure de répondre aux demandes de l’acheteur public non seulement pour « rester dans la course » et ne pas voir leurs offres rejetées, mais également pour communiquer les éléments suffisants sécurisant l’acheteur public sur son choix et sur la régularité de la procédure (si elle était contestée par un autre concurrent).
Alexandre Le Mière
Avocat associé