A l’heure où certains salariés déclarent de faux accidents du travail pour alimenter des accusations de harcèlement, il est essentiel pour l’employeur de formuler des réserves motivées sur les formulaires de déclaration d’AT.
En effet, en cas de réserves motivées l’enquête par la CPAM sur l’AT est obligatoire.
Des réserves motivées ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail.
Le texte en jeu est l’article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale qui, dans sa rédaction actuellement en vigueur, énonce:
« La déclaration d’accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l’employeur. […] En cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès ».
La caisse doit alors également communiquer à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier (CSS, art. R. 441-14).
QU’EST-CE QU’UNE RÉSERVE MOTIVÉE ?
Les réserves doivent, comme le précise l’article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale, être motivées.
Selon l’administration, reprenant une jurisprudence constante, les réserves au sens de cet article ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de l’accident ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail(Circ. DSS/2C/2009/267, 21 août 2009).
Il convient de rappeler que les réserves ne peuvent être caractérisées par la seule invocation de l’existence d’un état pathologique existant (Cass. 2e civ., 10 octobre 2013, nº 12-25.782 FS-PB).
Il arrive toutefois que des réserves se référant à un contexte médical soient prises en compte par les juges, dans la mesure où elles contribuent à porter des doutes quant à la matérialité de l’accident (Cass. 2e civ., 12 février 2015, nº 13-28.260 F-D ; Cass. 2e civ., 17 décembre 2015, nº 14-28.312 F-PB).
Aussi, il peut être judicieux de mentionner aussi de telles informations lors de la rédaction des réserves.
Il faut aussi contester la matérialité de l’accident.
En effet, la matérialité de l’accident doit être établie. Autrement dit, la victime doit apporter des éléments de preuve du fait accidentel.
En l’absence de témoin, comme en l’espèce, c’est un ensemble de présomptions sérieuses, graves et concordantes qui permettent de corroborer les déclarations du salarié. Ainsi, si le salarié prévient rapidement et fait établir un certificat le jour même, ce sont autant d’éléments pouvant rapporter la preuve de la matérialité des faits.
Selon la CPAM, le seul fait pour l’employeur d’émettre un doute du fait de l’absence de témoin, ne caractérise pas l’existence de réserves au sens de l’article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale, dès lors qu’il existe une concordance manifeste entre les faits décrits et la constatation médicale produite. La Caisse souligne souvent qu’il n’est invoqué aucune incohérence de temps ou de lieu ni incompatibilité avec les tâches confiées au salarié permettant de douter de la survenance de l’accident au temps et au lieu de travail. La CPAM soutient donc souvent qu’elle n’était pas tenue de procéder à une enquête ni soumise à une obligation d’information préalable à sa décision de prise en charge.
EXEMPLE DE RÉSERVES VALABLES
Par exemple, ont été retenues comme motivées et valables des réserves précisant :
« Nous attirons votre attention sur le fait que rien ne permet de corroborer les déclarations de Monsieur X… Il n’y a aucun témoin de l’accident et notre déclaration d’accident du travail est donc fondée sur les seuls dires de Monsieur X… ; qu’à ce titre, je vous remercie de bien vouloir nous communiquer le certificat médical initial ; que la matérialité de l’accident ne peut donc manifestement pas être établie en l’état. Il est important qu’une enquête soit réalisée par vos services […] ».
DANS QUEL DÉLAI ÉMETTRE LES RÉSERVES ?
La Cour de cassation indique que l’employeur doit formuler les réserves motivées en temps utile. Selon la réglementation actuellement en vigueur, les réserves peuvent être émises au moment même de la déclaration ou avant la prise de décision. L’employeur a tout intérêt à les transmettre au plus tôt car la caisse peut prendre une décision rapide.
À partir du 1er décembre 2019, la réglementation évolue, ce qui devrait mettre un terme à ces difficultés de « timing » : un délai de dix jours francs est désormais précisé pour formuler les réserves.
Benjamin Louzier