Surcharge de travail et harcèlement moral : comment éviter la condamnation

Dans un arrêt du 30 novembre 2008 (n°2199/18) les juges ont traité un cas intéressant de surcharge de travail donnant lieu à une condamnation pour harcèlement moral.
 
Cette décision donne un exemple d’une situation de surcharge de travail donnant lieu à une condamnation pour harcèlement moral.
 
C’est l’occasion de rappeler ce que l’employeur doit faire pour éviter une telle situation.

Les faits :

Mme C. est assistante des ressources humaines dans une entreprise de nettoyage de locaux professionnels appartenant à un groupe de 4 000 salariés.

À partir de septembre 2011, elle se voit confier le poste de chargé de clientèle de l’agence lilloise. Arrêtée pour maladie en février 2014, le médecin du travail la déclare inapte à son poste. Elle est alors licenciée pour inaptitude.

Le conseil de prud’hommes ayant validé le licenciement, Mme C. demande sa nullité en appel pour harcèlement moral. Ce harcèlement résulte selon elle de :

  • conditions de travail sous pression,
  • surcharge de travail l’ayant obligée à accomplir des heures supplémentaires non rémunérées,
  • notation dévalorisante,
  • un avertissement injustifié.

L’employeur réfute chacun de ces griefs tout en précisant que Mme C. a été avertie dès sa prise de fonctions de la difficulté de son poste, notamment quant à la charge de travail, et que d’autres chargés de clientèle exerçant les mêmes fonctions dans les mêmes conditions n’ont fait état d’aucune surcharge ou d’un travail sous pression. Il en conclut que l’état de santé et l’épuisement de la salariée ne sont pas liés à ses conditions de travail.

La décision :

La Cour d’appel rappelle que, conformément à la jurisprudence « Air France », l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser, ne méconnaît pas l’obligation légale de sécurité à sa charge.

En l’espèce, la cour relève qu’en tant que chargée de clientèle de l’agence lilloise :

  • Mme C. était chargée du suivi du nettoyage de 75 agences bancaires,
  • Une de ses collègues ayant été arrêtée pour une grossesse Mme C. s’est alors vue confier la charge de 65 agences supplémentaires,
  • Elle effectuait ainsi des journées de presque douze heures sans aide des directeurs,
  • Devait passer sur les sites d’intervention tard le soir,
  • Travaillait tous les samedis matins sans être rémunérée,
  • Adressait de nombreux courriels en dehors de ses plages de travail,
  • Des témoignages révèlent que le responsable d’agence a été alerté à plusieurs reprises sur l’état de fatigue physique et morale de Mme C. sans réaction de sa part,
  • Des pièces médicales attestent par ailleurs l’altération de la santé de Mme C. entraînant des arrêts de travail pour burn-out puis rechute de burn-out.

Au total, la cour estime que l’entreprise ne justifie pas

  • l’entreprise ne justifie pas avoir mis en œuvre les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et notamment celles permettant d’adapter le travail à l’homme en particulier en ce qui concerne les méthodes de travail et de production,
  • qu’elle n’a pris aucune mesure immédiate propre à faire cesser les faits susceptibles de porter atteinte à la santé de la salariée, alors qu’elle était informée de leur existence.

Conclusion :
 
A l’heure où les accusations de harcèlement se multiplient pour éviter le plafonnement des indemnités prud’homales, il est essentiel de pouvoir démontrer que cette obligation de prévention est satisfaite.
 
Voici les règles simples de prévention à appliquer :

  • Règlement intérieur à jour des dispositions sur le harcèlement et affiché dans l’entreprise,
  • Affichage et diffusion d’une procédure de dénonciation de faits de harcèlement,
  • Formations régulières des salariés et notamment des managers sur le comportement dans l’entreprise (tous les 2 ans environ),
  • Etre à jour des visites médicales de contrôle auprès de la médecine du travail,
  • Insérer une case sur la vie dans l’entreprise, la charge de travail et le comportement dans l’entretien annuel d’évaluation,
  • Adapter la charge de travail en cas d’alerte et faire des écrits sur le sujet,
  • Avoir désigné dans l’entreprise un Référent en Santé et Sécurité du Travail ( articles L. 4644-1 et R. 4644-1 du code du travail),
  • Avoir un document unique sur l’évaluation des risques à jour (L.4121-3 du Code du travail).

Benjamin Louzier
Avocat Associé