Harcèlement moral : pas de harcèlement ni de prise d’acte valable si les faits sont trop anciens

Dans une décision du 19 juin 2019 (Cass. soc., 19 juin 2019, n°17-31.182), il est jugé que la victime de harcèlement moral ne peut valablement prendre acte de la rupture de son contrat de travail lorsque les faits sont intervenus 2 ans auparavant et que l’employeur y a mis fin immédiatement. Même si la victime a été placée en arrêt maladie depuis ce harcèlement moral et n’avait pas repris le travail au jour de la prise d’acte

Les faits :

Une salariée placée en arrêt maladie pendant près de 2 ans a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur en raison des manquements de ce dernier en matière de prévention du harcèlement moral dont elle a été victime. Elle a donc saisi la juridiction prud’homale afin que cette prise d’acte soit considérée comme produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle a été déboutée.

La décision :

Les juges du fond considèrent en effet que les faits de harcèlement moral dont la salariée avait été victime étaient trop anciens pour constituer un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

La Cour de cassation confirme.

Elle rappelle tout d’abord sa jurisprudence constante selon laquelle la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Puis, les juges relèvent qu’en l’espèce :

– Les manquements de l’employeur en matière de prévention du harcèlement moral sont anciens, s’étant produits fin 2013 ;

– Les faits de harcèlement n’avaient duré que quelques semaines ;

– L’employeur avait immédiatement sanctionné la salariée responsable de ces agissements.

Dans une précédente affaire, la Cour de cassation avait considéré comme justifiée la prise d’acte d’un salarié intervenue 1 an et demi après des faits avérés de harcèlement moral, le salarié ayant par la suite été placé en arrêt de travail jusqu’au jour de la prise d’acte. Malgré leur ancienneté, ces faits avaient été jugés comme suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass. soc., 11 déc. 2015, n°14-15.670).

Conclusion : dès lors, si l’argument relatif à l’ancienneté des faits de harcèlement moral ne suffit pas à remettre en cause la prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur, il en est autrement dans le cas où cette ancienneté se combine avec une réaction immédiate de l’employeur qui a fait cesser le harcèlement moral et a sanctionné l’auteur. Dans une telle hypothèse, il ne s’agit pas d’un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il est rappelé que la prise en compte de faits anciens est limitée par le délai de prescription. Les faits de harcèlement moral, devant le conseil de prud’hommes, se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le dernier acte constitutif de harcèlement a été commis.

 

Benjamin Louzier
Avocat Associé