Agence commerciale : sur les arguments permettant d’écarter la pratique judiciaire fixant le montant de l’indemnité de cessation de contrat à 2 ans de commissions

Aux termes des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, l’agent commercial a droit, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, sous réserve que la cessation ne soit pas provoquée par la faute grave de l’agent ou qu’elle ne résulte pas de son initiative.

Selon une pratique judiciaire, le montant de cette indemnité est généralement fixé à une somme égale à deux années de commissions, calculées sur la base des trois dernières années d’exécution du contrat.

Toutefois, compte tenu des critiques qu’elle suscite, les juges s’écartent de plus en plus souvent de cette pratique afin de prendre en compte les circonstances des affaires qui leur sont soumises. 

Dans un arrêt du 7 juin 2018 (RG n°16/21999), la Cour d’appel de Paris considère ainsi que :

  • « L’indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l’agent du fait de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune » ;
  • « Son quantum n’étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause, même s’il existe un usage reconnu qui consiste à accorder l’équivalent de deux années de commissions, lequel usage ne lie cependant pas la cour».

En l’espèce, le montant de l’indemnité versée à l’agent commercial est néanmoins fixé à une somme égale à deux années de commissions, la Cour observant que « compte tenu de la durée de la mission d’agence commerciale qui a débuté le 13 décembre 1988 pour se terminer le 25 septembre 2015, soit une durée totale de 27 ans, et en l’absence de faute, il n’existe pas de raison de s’écarter de cet usage en deçà, ni d’ailleurs d’aller au-delà en l’absence de tout justificatif d’un préjudice supplémentaire directement lié à la rupture, ce qui n’est pas justifié par les pièces versées aux débats ».

En revanche, dans un arrêt du 24 mai 2018 (RG n°15/21617), la Cour d’appel de Paris limite le montant de l’indemnité de cessation de contrat versée à l’agent commercial à une somme égale à une année de commissions, relevant qu’« en ce qui concerne le montant de l’indemnité de résiliation dont la loi ne fixe pas de minimum, il y a lieu de la fixer en fonction du préjudice subi, résultant de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune, en tenant compte de la durée effective du contrat d’agent commercial (de 2011 à 2014 pour l’un et de 2012 à 2014 pour l’autre), ce qui n’a pas permis de stabiliser une véritable clientèle propre à l’action [de l’agent commercial], ce dernier ayant notamment bénéficié du réseau existant des VRP et autres agents ayant des secteurs plus restreints, et ayant partiellement seulement, permis d’augmenter la clientèle commune ; ».

Il ressort de ces décisions que plusieurs arguments factuels peuvent être avancés par le mandant pour écarter la pratique judiciaire susvisée, dont notamment :

  • L’existence de relations relativement récentes entre le mandant et l’agent commercial (3 à 4 années dans l’arrêt du 24 mai 2018) ;
  • L’existence de fautes commises par l’agent commercial, bien qu’elles ne soient pas suffisamment graves pour priver ce dernier du droit à une indemnité ;
  • Un développement de la clientèle commune par l’agent commercial insuffisant.

 

Régis PIHERY
Avocat Associé