Accusations de harcèlement moral : des précisions importantes des juges et un rappel concernant les accusations mensongères du salarié

Accusations de harcèlement moral : des précisions importantes des juges et un rappel concernant les accusations mensongères du salarié

Dans une décision du 13 septembre 2017 (Cass. soc., 13 septembre 2017, nº 15-23.045 FP-PB) la Cour de cassation indique que le salarié qui relate des agissements de harcèlement moral ne peut pas être licencié pour ce motif et ce, à peine de nullité, sauf mauvaise foi. Mais pour pouvoir revendiquer le bénéfice de cette protection encore faut-il, que le salarié ait expressément qualifié les faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation.

Aucun salarié ne peut être licencié « pour avoir relaté » des agissements de harcèlement moral (C. trav., art. L. 1152-2), tout licenciement fondé sur un tel motif étant atteint de nullité (C. trav., art. L. 1152-3). La protection, elle, ne cède qu’en cas de mauvaise foi du salarié, c’est-à-dire en cas de connaissance par ce dernier de la fausseté des faits qu’il dénonce (Cass. soc., 10 juin 2015, nº 13-25.554). 

Les faits :

Le 13 janvier 2011, un cadre de direction avait adressé un courriel à son employeur, l’avisant de son souhait de l’informer de vive voix du « traitement abject, déstabilisant et profondément injuste » qu’il estimait subir.

Le salarié n’a pas été reçu et a été licencié pour faute grave pour avoir procédé à un remboursement précipité d’avances qu’il s’était octroyées et pour avoir « essayé, pour détourner l’attention, de créer l’illusion d’une brimade » en proférant, par courriel du 13 janvier, des accusations diffamatoires et injustifiées, constitutives d’un abus de la liberté d’expression.

Décision :

Alors que la cour d’appel avait conclu à la nullité du licenciement au motif que le courriel de dénonciation visait implicitement des agissements de harcèlement moral, la Cour de cassation a censuré cette décision des juges du fond dans la mesure où « le salarié n’avait pas dénoncé des faits qualifiés par lui d’agissements de harcèlement moral ».

Les dispositions frappant de nullité le licenciement prononcé pour avoir relaté des agissements de harcèlement moral s’appliquent donc strictement et ne bénéficient pas au salarié qui a dénoncé des faits sans référence littérale à la qualification juridique de harcèlement moral.

Conclusion : pour bénéficier de la protection la lettre de dénonciation du salarié doit viser les mots « harcèlement moral ».

Cet arrêt est également l’occasion de rappeler ce que les juges considèrent comme étant des accusations faites de mauvaise foi :

« La salariée engagée en qualité d’employée d’exploitation a été licenciée pour faute grave pour accusations mensongères de harcèlement moral à l’encontre d’un supérieur hiérarchique. La cour d’appel, qui a estimé que le harcèlement allégué n’était pas constitué, relève, pour retenir la faute grave de la salariée et rejeter ses demandes, que celle-ci a dénoncé à l’encontre de son supérieur hiérarchique, de façon réitérée, de multiples faits inexistants de harcèlement moral ne reposant, pour la grande majorité d’entre eux, sur aucun élément et dont elle s’est d’ailleurs avérée incapable de préciser la teneur, qu’il s’agisse des faits ou des propos dénoncés, s’en tenant à des accusations formulées pour la plupart en termes généraux, et précisé qu’il ne s’agissait pas d’accusations ayant pu être portées par simple légèreté ou désinvolture mais d’accusations graves, réitérées, voire calomnieuses et objectivement de nature à nuire à leur destinataire ainsi qu’à l’employeur, accusé de laisser la salariée en proie à ce prétendu harcèlement en méconnaissance de son obligation d’assurer sa sécurité et de préserver sa santé ; elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision » Cour de cassation Chambre sociale – 28 Janvier 2015 – n° 13-22.378, 130 – Numéro JurisData : 2015

 

Benjamin Louzier
Avocat Associé

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