Vademecum de la réforme du droit des contrats : ce qui change

Vademecum de la réforme du droit des contrats : ce qui change

Le 1er octobre 2016, l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations entrera en vigueur. Elle ne s’appliquera qu’aux contrats conclus après cette date à l’exception des dispositions relatives aux actions interrogatoires (articles 1123, 1158, 1183 nouveaux).

Le Rapport au Président de la République qui accompagnait l’ordonnance mentionne que les textes sont supplétifs, à l’exception de certaines dispositions réputées dans leur rédaction, d’ordre public ou non supplétives, comme c’est le cas pour le nouvel article 1104 (proche de l’alinéa 3 de l’article 1134 ancien) ou pour le devoir d’information précontractuelle (article 1112-1).

Autrement dit, les parties à un contrat peuvent déroger aux textes du nouveau droit des obligations. 

Specialis derogat generalis :

Autre principe essentiel, les règles générales du nouveau droit des obligations s’appliquent sous réserve des règles particulières applicables à certains contrats (article 1105 : « « Les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières. »).

Vos CGV doivent être expressément acceptées :

Il convient de mettre en place des processus d’acceptation des CGV par les partenaires professionnels.

Les points essentiels de la réforme des contrats :

  • Obligation d’information précontractuelle : la loi crée un « devoir» général d’information défini par l’article 1112-1, à savoir, sous peine d’engager sa responsabilité et la nullité du contrat :

– l’obligation de révéler une information, non liée à l’« estimation de la valeur de la prestation», dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre partie, à savoir « qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties », dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ;

– « les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir» : ceci exclut les clauses écartant le devoir d’information ;

Ceci s’ajoute au dispositif de l’article L330-3 du code de commerce, applicable aux contrats de franchise, contrats de concession d’enseigne…

  • Les risques du contrat d’adhésion : chaque entreprise définit des contrats standards non négociables sauf à la marge. Les risques sont alors importants.

L’article 1110 définit le « contrat de gré à gré » comme « celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties » et le « contrat d’adhésion », comme celui « dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ».

Cette définition n’est pas sans conséquence une fois mise en parallèle avec les dispositions de l’article 1171 : « Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ».

Ce texte couvre un champ qui est plus restreint que l’article L442-6 I 2° du code de commerce mais l’absence de négociation restera un critère commun aux deux dispositions.

Il devra en être tiré les conséquences dans les pratiques de négociation, que la réforme encadre aussi par le principe de l’article 1112 selon lequel l’initiative, le déroulement, la rupture de négociations précontractuelles sont libres mais « impérativement » menées de bonne foi.

Apportez les preuves de la négociation et contractualisez les étapes de négociations par citation ou référence, pour qu’un contrat passe de la qualification de contrat d’adhésion à celle de contrat de gré à gré.

  • Faut-il contracter avec une partie plus faible ?

Il convient de relever la définition élargie de la violence en tant que vice du consentement, élargie à l’abus de dépendance « dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif » (article 1143).

Outre la preuve de négociations effectives, devront être apportées les preuves d’une absence de contrainte. Il sera préférable de ne pas contracter avec un contractant qui est ou deviendra dépendant.

  • La contrepartie réelle à l’obligation ?

Chaque contrat doit comporter une contrepartie effective, ni « illusoire », ni « dérisoire » (article 1169).

  • La durée des contrats devient une affaire complexe.

Si la prorogation conserve sa définition (article 1213), à savoir de poursuivre le même contrat, le renouvellement lui conserve une partie de ses effets : il donne naissance à un nouveau contrat mais pour une durée indéterminée (article 1214), la définition de la tacite reconduction, assimilée jusque là au renouvellement, est modifiée : l’article 1215 prévoit que la tacite reconduction n’emporte pas la création d’un nouveau contrat mais que les parties « continuent d’en exécuter les obligations », il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat. La rédaction relative à la durée suivant le renouvellement paraît inquiétante, mais, selon la doctrine, elle n’interdira pas le renouvellement pour des périodes contractuelles déterminées (http://reforme-obligations.dalloz.fr/2015/04/22/la-duree-du-contrat-2nde-partie-projet-art-1214-a-1216/).

C’est ce que confirme le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance : « En revanche, dans la tradition du code civil, l’ordonnance n’affirme pas expressément dans un article spécifique le caractère supplétif de volonté de ses dispositions. En effet, leur caractère supplétif s’infère directement de l’article 6 du code civil et des nouveaux articles 1102 et 1103, sauf mention contraire explicite de la nature impérative du texte concerné. Il n’y a donc pas lieu de préciser pour chaque article son caractère supplétif, qui constitue le principe, le caractère impératif étant l’exception. La subsistance dans certains articles de la mention « sauf clause contraire » n’autorise par conséquent aucune interprétation a contrario et ne remet nullement en cause le principe général du caractère supplétif des textes : ce rappel résulte seulement d’un pur souci didactique prenant en compte les souhaits exprimés par les professionnels au sujet de certains textes particuliers (en particulier sur le régime des obligations) ».(https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032004539)

En d’autres mots, la solution simple est celle des contrats non prorogeables, non renouvelables, non reconductibles.

L’appel d’offres préalable à la poursuite des relations commerciales doit devenir la règle.

Le renouvellement contraint à renouveler les garanties et sûretés et à réitérer l’information précontractuelle du code civil ou, par exemple, en matière de franchise, de celle prévue par l’article L330-3 du code de commerce.

  • L’évolution néfaste du contrat doit être envisagée :

L’article 1195 met en œuvre la règle systématique de l’imprévision, « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. »

Il convient donc que les parties acceptent expressément d’assumer les risques par une stipulation expresse, non automatique.

 

Frédéric Fournier
Avocat Associé

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