Le recours pour excès de pouvoir contre les actes de droit de souple émis par les autorités de régulation

Le recours pour excès de pouvoir contre les actes de droit souple émis par les autorités de régulation

1. Dans 2 affaires jugées le 21 mars 2016, (CE, 21 mars 2016, Société NC Numericable, req. n°390023 & CE, 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres, req. n°68082, 368083 et 368084), le Conseil d’Etat a jugé en Assemblée (formation solennelle où sont jugées les affaires revêtant une importance remarquable) qu’étaient recevables les recours en excès de pouvoir (recours en annulation) visant des actes de droit souple émanant des autorités de régulation.

Les recours en excès de pouvoir ne sont en principe pas ouverts contre les actes ne faisant pas grief (car n’étant pas considérés comme décisoires tels que les communiqués, avis, prises de position, etc.). 

Pourtant, dans ces arrêts, le Conseil d’Etat a jugé recevable les recours pour excès de pouvoir contre les actes de droit souple tels que :

  • les communiqués de presse de l’Autorité des marchés financiers (AMF) appelant les investisseurs à la vigilance de la société Fairvesta ;
  • une délibération de l’Autorité de la concurrence manifestant une prise de position.

2. Il convient de rappeler que le Conseil d’Etat avait, dans un premier temps, jugé que les avis de l’autorité de la concurrence pouvaient faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir lorsqu’ils revêtent un caractère impératif (CE 11 octobre 2012, Sté Casino Guichard-Perrachon, req. n°357193).

C’est également dans le domaine régulé de la santé, que le Conseil d’Etat avait assoupli la recevabilité des recours contre les actes non décisoires tels que les recommandations de bonnes pratiques en matière médicale, même en l’absence de caractère impératif de l’acte, compte tenu des devoirs déontologiques imposés aux professionnels de santé d’assurer aux patients des soins fondés sur les données acquises de la science.

3. Dans ces 2 arrêts du 21 mars 2016, le Conseil d’Etat confirme tout d’abord que « les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance ».

Le Conseil d’Etat prévoit toutefois des conditions restrictives sur l’intérêt à agir des requérants. En effet, ces derniers devront, pour démontrer qu’ils ont un intérêt à agir direct et certain, établir que ces actes :

  • sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique ;
  • ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent.

Notons que la condition de l’effet notable de nature économique ne semble a priori pas compatible avec le délai de recours de deux mois des requérants. Ce point n’est pas encore tranché mais la rapporteure publique, Madame Suzanne Von Coester, a indiqué dans ses conclusions sous l’arrêt Société Fairvesta International GMBH et autres, qu’il serait approprié de garder des voies de recours ouvertes tant que les communiqués sont en ligne.

Ombeline Soulier-Dugénie & Amanda Ramos
Avocats à la Cour

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