Illicéité d’une opération d’aménagement : nullité ab initio du contrat de concession
1- Par un arrêt du 10 juillet 2013, le Conseil d’Etat a rappelé l’étendue mais également les limites des pouvoirs du juge de plein contentieux lorsqu’il est saisi par les parties à un contrat administratif, contestant la validité du contrat qui les lie (CE, ass. 28 déc. 2009, Commune de Béziers, req. n°30802).
Dans cette affaire, la Commune de Vias et la société d’économie mixte de la ville de Béziers (SEBLI) avaient conclu une concession d’aménagement portant sur la réalisation d’une zone d’aménagement concerté « Vias plage », prévoyant la création de plus de 2 300 logements ainsi que des commerces et des services, dans une zone comprise entre 100 et 600 mètres du rivage.
Par un jugement du 26 mai 2005, devenu définitif, le tribunal administratif (TA) de Montpellier a annulé la délibération du conseil municipal autorisant le Maire à signer la concession au motif que l’extension de l’urbanisation envisagée, qui ne présentait pas un caractère limité, méconnaissait les dispositions de l’article L.146-4 II du code de l’urbanisme.
La Commune et la SEBLI ont alors saisi le juge du contrat d’une demande d’annulation pour la collectivité et d’une demande de résiliation pour la société d’économie mixte.
Par un jugement du 12 juin 2009, le même tribunal a annulé le contrat de concession ainsi que son avenant.
La Cour administrative d’appel (CAA) a confirmé l’annulation de la convention, mais en a différé les effets, eu égard au début d’exécution du contrat litigieux, à la date du premier jugement du tribunal administratif, soit le 26 mai 2005.
2- Saisis sur pourvois de la Commune de Vias et de la SEBLI, le Conseil d’Etat a conforté la position de la CAA en considérant que, contrairement à ce que soutenait la SEBLI, la Commune pouvait invoquer l’illicéité de la concession, sans méconnaitre le principe d’exigence de loyauté contractuelle.
La Haute juridiction a également confirmé que l’objectif de stabilité des relations contractuelles ne faisait pas obstacle à ce que le juge du contrat prononce l’annulation dudit contrat et non sa résiliation.
Néanmoins, la Haute juridiction a annulé l’arrêt de la CAA, pour erreur de droit, en tant qu’elle avait différé les effets de l’annulation, à compter du 26 mai 2005, alors que le contrat était nul ab initio.
3- Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat rappelle que les pouvoirs de modulation des effets de l’annulation du juge du contrat, s’ils sont étendus, sont néanmoins conditionnés par la gravité de l’illégalité invoquée.
Ainsi, lorsque l’objet même du contrat est illicite, l’objectif de stabilité des relations contractuelles ne saurait faire obstacle à l’annulation immédiate du contrat.
Emmanuelle Yvon
Avocate à la Cour