Enquêtes de concurrence : pas d’enquête incidente sans justification !
Par deux arrêts du 14 novembre 2012 [aff. T-135/09, Nexans ; et aff. T-140/09, Prysmian], le Tribunal de l’Union européenne a annulé partiellement deux décisions de la Commission européenne et rappelé quelques principes applicables aux enquêtes diligentées par cette dernière en matière de pratiques anticoncurrentielles.
Dans cette affaire, la Commission avait initié au mois de janvier 2009, sur base d’une déclaration de clémence, une enquête relative à des soupçons d’entente dans le secteur des câbles électriques. Des entreprises étaient ainsi suspectées de s’être entendues sur l’attribution de marchés publics, de clients, ainsi que sur l’échange illicite d’informations dans le cadre de projets relatifs aux câbles électriques sous-marins et souterrains.
En vertu de deux décisions du 9 janvier 2009 (cf. MEMO/09/46 du 3 février 2009), la Commission avait procédé à des inspections surprises (ou « dawn-raid ») aux sièges de Nexans et Prysmian. Au terme de ces deux arrêts, le Tribunal rappelle la Commission à la légalité en matière d’inspections :
1) La Commission ne pouvait effectuer dans les locaux des entreprises des inspections portant sur l’ensemble de leurs activités câbles électriques, alors que les indices obtenus par la demande de clémence ne lui permettaient de soupçonner l’existence d’une entente qu’en ce qui concerne les câbles électriques sous-marins, souterrains et le matériel associé.
En effet, la Commission doit suffisamment préciser les secteurs couverts par la prétendue infraction concernée par l’enquête ; et les indices dont elle dispose doivent revêtir un caractère suffisamment sérieux.
Si tel n’est pas le cas, comme en l’espèce, celle-ci est tenue, une fois qu’elle a constaté après examen qu’un document ou une information ne relève pas des activités concernées, de s’abstenir de l’utiliser aux fins de son enquête.
En revanche, le Tribunal confirme que rien ne s’oppose à ce que la Commission examine des documents relatifs à des marchés situés en dehors du marché commun pour déceler des comportements susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.
2) Par ailleurs, le Tribunal semble affirmer qu’il n’existe pas de voie de recours autonome contre le déroulement des opérations d’inspection, et juge que les contestations sur le déroulement de l’enquête doivent être soulevées au fond dans le cadre du recours contre la décision finale.
En l’espèce, les requérantes faisaient valoir que la décision d’effectuer des copies de fichiers informatiques et du disque dur de l’ordinateur d’un salarié de Nexans France, ainsi que de la décision d’interroger ce salarié, violaient leurs droits fondamentaux à la vie privée et à la défense.
Le Tribunal considère que la copie de chaque document et la formulation de chaque question intervenues au cours d’une inspection ne peuvent pas être considérées comme des actes détachables de la décision ordonnant l’inspection, mais comme des mesures d’exécution de celle-ci.
Bien qu’ayant conservé les originaux des documents copiés, le Tribunal relève que les requérantes n’avaient toutefois pas identifié des documents précis ou des parties de documents qui bénéficieraient d’une protection particulière en droit de l’Union, notamment les documents revêtus de la confidentialité des communications entre avocats et clients.
Charles Méteaut
Avocat à la Cour