Parfumerie de luxe et entente sur les prix
Après deux renvois après cassation, la Cour d’appel de Paris vient de rendre, le 26 janvier 2012, son troisième arrêt dans l’affaire dite des « parfums », dans laquelle les 13 fabricants de parfums et les 3 chaînes nationales de distribution étaient impliqués pour entente sur les prix, que le Conseil de la concurrence avait sanctionnés à hauteur de 45,4 millions d’euros (CA Paris, 26 janvier 2012, n°2010/23945).
La Cour reconnaît d’abord que la procédure n’est pas strictement cantonnée aux parfums, mais s’étend également aux cosmétiques de luxe. Elle considère en outre que la durée jugée excessive de la procédure est justifiée en raison du caractère complexe de l’affaire.
Quant à la preuve de la violation des droits de la défense, la Cour se montre pour le moins intransigeante vis-à-vis des entreprises. Elle rappelle en effet que « le devoir général de prudence pesant sur les entreprises devait les conduire à conserver les éléments leur permettant de justifier de la licéité de leurs pratiques » (p.38). Autrement dit, le principe de la liberté de tout mode de preuve prévalant en la matière, les entreprises ne sauraient invoquer une prétendue violation des droits de la défense pour faire échec aux indices retenus par le Conseil. Ces dernières doivent être en mesure de justifier, en toute circonstance et à tout moment, de la licéité de leur politique de prix pratiquée.
Par ailleurs, la Cour d’appel reconnaît à l’Autorité de la concurrence un pouvoir d’opportunité des poursuites (p.37). En cela, elle peut se saisir d’office, mais également décider de ne pas mettre en cause dans la procédure les distributeurs qui n’auraient pas pris une part significative dans la constitution des pratiques dénoncées.
Enfin, sur la détermination des sanctions, si la Cour d’appel confirme l’approche de l’Autorité de la concurrence relative à la « gravité intrinsèque des pratiques d’entente sur les prix », au « dommage occasionné par ces pratiques à l’économie » et à « la situation globale des entreprises condamnées », elle remet néanmoins en cause la mise en oeuvre du principe de l’individualisation des sanctions. La Cour relève en effet que « chaque infraction est fondée sur un ensemble de pratiques anticoncurrentielles semblables par leur nature mais non par leur intensité et leur étendue » (p.90). Autrement dit, la Cour rappelle le principe cardinal en matière de détermination des sanctions, à savoir le principe de proportionnalité, laquelle suppose une individualisation des sanctions tenant compte de la situation propre de chaque entreprise sur le marché en cause des parfums et des cosmétiques de luxe.
Quoiqu’il en soit, la motivation de la Cour est plutôt laconique sur ce point ! Elle ne donne en effet pas de critère précis sur la mise en oeuvre du principe, susceptible de justifier de la réduction des amendes en l’espèce, par rapport à celles infligées par l’Autorité de la concurrence.
Maeva Priet
Avocat à la Cour