Epilogue dans l’affaire « On va Fluncher »
Par son arrêt du 2 avril 2009 (pourvoi n° 08-10.194), la première Chambre civile de la Cour de cassation met un terme à un vif débat relatif à la portée du droit moral de l’auteur et en particulier de l’une de ses composantes essentielles, le droit au respect de l’oeuvre.
En vertu de l’article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle, « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre ». Ce droit, attaché à sa personne, est perpétuel, imprescriptible et inaliénable. Or il est fréquent que des contrats de cession de droit d’auteur prévoient la possibilité pour le cessionnaire de modifier l’oeuvre ainsi cédée. Dans quelle mesure cette adaptation est-elle envisageable, sans qu’elle ne porte atteinte au droit au respect de l’oeuvre ? Cette question était au coeur de l’affaire « On va Fluncher ».
Didier Barbelivien et Gilbert Montagné sont les auteurs de la fameuse chanson « On va s’aimer ». Par contrat, ils avaient cédé à un éditeur le droit d’exploiter cette oeuvre, y compris le droit de modifier les paroles, même dans un but parodique. En l’occurrence, la chanson avait été détournée et utilisée dans une publicité pour les restaurants Flunch. Les auteurs avaient alors invoqué leur droit moral pour s’opposer à cette exploitation.
Trois arrêts de cours d’appel et deux arrêts de Cour de cassation plus tard, la première Chambre civile a rappelé que le droit moral de l’auteur s’opposait à la faculté pour ce dernier d’autoriser préalablement et de manière générale toute adaptation de sa création : « l’inaliénabilité du droit au respect de l’oeuvre, principe d’ordre public, s’oppose à ce que l’auteur abandonne au cessionnaire, de façon préalable et générale, l’appréciation exclusive des utilisation, diffusion, adaptation, retrait, adjonction et changement auxquels il plairait à ce dernier de procéder ».
La règle, application classique des prérogatives attachées au droit moral de l’auteur, est donc claire : l’auteur ne peut renoncer par anticipation à exercer son droit au respect de son oeuvre. C’est ainsi qu’en modifiant les paroles de la chanson « On va s’aimer » pour une publicité, les cessionnaires ont porté atteinte à l’intégrité de la chanson. Par cet arrêt, la Cour de cassation donne tort aux deux cours d’appel qui avaient considéré que l’autorisation contractuelle était valable et opposable aux auteurs. Ceci signifie que les auteurs peuvent autoriser de telles adaptations, mais un tel accord doit être spécifique et ponctuel.
Cela étant, l’arrêt laisse entrouverte la porte à une interprétation plus nuancée de la règle. La décision indique en effet que la modification, en l’espèce, constituait une « dénaturation substantielle » de l’oeuvre. A contrario, ne peut-on pas considérer qu’une modification minime aurait été possible ? Dans ce cas, les contrats de cession de droit d’auteur qui prévoient, à l’avance, que l’auteur autorise le cessionnaire à adapter l’oeuvre par touches légères seraient valables.
Matthieu Berguig