La Cour de cassation confirme le statut spécifique des marques « Jeux olympiques »
Le Comité national olympique et sportif français (« CNOSF ») est titulaire des marques relatives aux Jeux olympiques, à savoir « Olympiade », « Jeux olympiques » et « Olympique », en vertu non pas d’un dépôt classique auprès de l’Institut national de la propriété industrielle mais des dispositions de l’article L. 141-5 du Code du sport.
Ce texte énonce en effet très expressément que « le Comité national olympique et sportif français est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux et dépositaire de la devise, de l’hymne, du symbole olympique et des termes » jeux Olympiques » et » Olympiade » ».
Cet article dispose également que « le fait de déposer à titre de marque, de reproduire, d’imiter, d’apposer, de supprimer ou de modifier les emblèmes, devise, hymne, symbole et termes mentionnés au premier alinéa, sans l’autorisation du Comité national olympique et sportif français, est puni des peines prévues aux articles L. 716-9 et suivants du code de la propriété intellectuelle ».
C’est en vertu notamment de ces dispositions que le CNOSF a assigné la société Communication Presse Publication Diffusion (« CPPD ») pour contrefaçon de marques et actes de concurrence déloyale, au titre de l’édition d’un numéro du magazine « Têtu » consacré aux « Jeux olympiques du sexe » en juillet-août 2004.
Par un arrêt du 7 mars 2008, la Cour d’appel de Paris avait débouté le CNOSF de l’ensemble de ses demandes. S’agissant du grief de concurrence déloyale, elle avait considéré que le CNOSF ne rapportait pas la preuve de l’intention de la société CPPD de se placer dans son sillage en utilisant les couleurs des anneaux olympiques.
De manière plus surprenante, s’agissant du grief de contrefaçon de marque, les juges avaient estimé que les dispositions du Code du sport susvisées ne conféraient pas de protection absolue aux marques du Comité mais que leur régime était celui des marques renommées ou notoirement connues (article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle). En substance, ils avaient considéré que le contexte humoristique de l’usage de ces marques ne permettait pas de caractériser l’existence d’actes de contrefaçon.
Par exemple, selon la Cour, CPPD « a mentionné le terme « olympiade » dans un contexte exclusif de préjudice en raison de la distance, du décalage que le lecteur perçoit immédiatement entre la marque « Olympiades » et les usages incriminés », en sorte que le grief de contrefaçon ne pouvait être retenu : « ces références aux « Olympiades » s’inscrivent dans un propos à l’évidence ludique et humoristique, non dénigrant, et ne sauraient dès lors caractériser une exploitation injustifiée du signe « Olympiades » ».
Cependant, un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 15 septembre dernier (pourvoi n° 08.15-418) est venu censurer partiellement la décision de la Cour d’appel. La Haute juridiction a en effet approuvé les juges du fond d’avoir rejeté les demandes du CNOSF sur le fondement de la concurrence déloyale, mais ne les a pas suivis pour ce qui concerne la contrefaçon de marque.
Selon la Cour de cassation, l’article L. 141-5 du Code du sport institut un régime de protection autonome des marques du Comité. Ceci signifie que ces marques n’obéissent pas aux règles classiques applicables aux marques renommées ou notoirement connues et, en conséquence, a contrario de ce qui a été décidé par la Cour d’appel, qu’elles bénéficient bien d’une protection absolue.
L’exception de contexte humoristique ne peut donc pas s’appliquer à propos des marques du CNOSF (étant précisé que sa portée est toute relative, puisqu’elle n’est pas prévue par le Code de la propriété intellectuelle et qu’elle n’a été que rarement admise en jurisprudence).
L’arrêt d’appel a donc été cassé et la Cour d’appel de Paris, autrement composée, est appelée à statuer à nouveau sur ce litige. Fera-t-elle de la résistance ? Dans l’intervalle, il semble bien, en l’état actuel de la jurisprudence, que l’usage des marques du CNOSF ne soit effectivement permis qu’à des fins d’information ou de critique.
Matthieu Berguig