Rapport du Sénat sur l’évaluation de la loi de lutte contre la contrefaçon

Rapport du Sénat sur l’évaluation de la loi de lutte contre la contrefaçon

Le Sénat a rendu public le 9 février dernier un rapport d’information destiné à faire un point sur l’application de la loi du 29 octobre 2007 dite de « lutte contre la contrefaçon ».  

Ce texte a apporté de substantielles modifications au Code de la propriété intellectuelle, comme la mesure-phare ayant abouti à la spécialisation des juridictions, ou encore la mise en place d’un « droit à l’information » permettant au juge, dans le cadre d’une procédure, d’ordonner la production de documents destinés à déterminer les réseaux de contrefaçon et à mieux indemniser le préjudice subi par les titulaires de droits.

Le rapport dresse un état des lieux, trois ans après le vote de cette loi. Schématiquement, il considère la loi a apporté des améliorations notables dans la lutte contre la contrefaçon, mais estime qu’un effort doit encore être réalisé.

Les sénateurs Béteille et Yung, auteurs du rapport, préconisent 18 mesures pour renforcer la lutte contre la contrefaçon. Parmi ces mesures figurent notamment les points suivants :

– renforcement de la spécialisation des juridictions, avec une limitation à 4 ou 5 du nombre de tribunaux de grande instance compétents en matière de propriété intellectuelle (au lieu de 10 actuellement). Le Tribunal de grande instance de Paris, déjà seule juridiction de première instance compétente en matière de brevets, devrait également gagner une compétence exclusive en matière d’obtentions végétales,

– sur le même principe, spécialisation des juridictions répressives, avec 4 ou 5 tribunaux correctionnels compétents en matière de contrefaçon,

– renforcement de l’indemnisation du préjudice en cas de contrefaçon : à la perte subie et au gain manqué s’ajouterait l’idée de « faute lucrative », qui aboutirait à la restitution au titulaire des droits de l’ensemble des fruits de la contrefaçon, même s’ils sont supérieurs au dommage subi, lorsque le contrefacteur est de mauvaise foi. En revanche, le rapport exclut l’introduction des dommages et intérêts punitifs,

– renforcement du droit à l’information, avec une clarification (possibilité de le mettre en oeuvre au stade de la mise en état, lorsque la contrefaçon n’est qu’alléguée) et une modification (possibilité de le mettre en oeuvre en référé et non pas seulement dans le cadre d’une procédure au fond),

– extension de la saisie-contrefaçon, avec la possibilité de procéder à des saisies descriptives des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer des contrefaçons, et possibilité pour le juge d’ordonner la production d’éléments de preuve détenus par une partie,

– modification de la directive Commerce électronique pour y inclure la notion d' »éditeur de services », qui serait caractérisée par le fait de retirer un avantage économique direct de la consultation de contenus hébergés. L’éditeur de services ainsi défini (qui ne se confondrait pas avec l’éditeur « classique ») verrait peser sur lui une obligation de surveillance des contenus hébergés. Le rapport vise expressément les sites tels que Facebook, MySpace, DailyMotion, eBay et PriceMinister… qui se trouvent, selon les sénateurs, à mi-chemin entre les hébergeurs et les éditeurs,

– en droit pénal, création d’une nouvelle infraction de « contrefaçon dangereuse », avec des sanctions plus lourdes.

Matthieu Berguig
Avocat à la Cour

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