1. Un Black Friday illicite et pourtant : L’opération revient annuellement et prochainement le 25 novembre 2022.
A lire les dispositions de l’article L121-4 du code de la consommation qui répute trompeuse une liste de pratiques commerciales, la réponse semble positive.
La 23ème pratique vise à sanctionner « dans une publicité, de donner l’impression, par des opérations de promotion coordonnées à l’échelle nationale, que le consommateur bénéficie d’une réduction de prix comparable à celle des soldes, tels que définis à l’article L. 310-3 du code de commerce, en dehors de leur période légale mentionnée au même article L. 310-3. »
Le texte découle de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
Cependant, cette disposition n’est pas conforme au droit de l’Union européenne. Les juges ne peuvent condamner per se une pratique de type « Black Friday » que si celle-ci est contraire à la diligence professionnelle et altère ou est susceptible d’altérer le comportement économique des consommateurs ou si elle présente les caractéristiques d’une pratique trompeuse.
La raison en est simple.
La directive n°2005/29 donne une liste exhaustive et limitative de pratiques automatiquement trompeuses, parmi lesquelles ne figure pas la pratique n°23 ci-dessus…
Or la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé qu’une vente liée ne peut pas être interdite en elle-même : il convient de prouver que celle-ci répond aux critères de la déloyauté (CJUE 16 avr. 2015, Mediaprint, aff. C-540/08).
Le droit européen des pratiques commerciales déloyales prévaut sur la règle nationale.
Idem pour la revente à perte au consommateur. Dans une ordonnance Euronics Belgium, rendu le 7 mars 2013 (CJUE, 7 mars 2013, aff. C-343/12 et un arrêt du 19 octobre 2017 (CJUE, 19 oct. 2017, aff. C-295/16), la CJUE a jugé qu’une disposition nationale qui prévoit une interdiction générale d’offrir à la vente ou de vendre des biens à perte n’est pas conforme à la directive 2005/29, pour autant que cette disposition poursuive des finalités tenant à la protection des consommateurs.
Dès lors, l’interdiction per se du Black Friday non prévue par la directive de 2005 n’est pas licite. La loi est donc illégale.
2. Quant aux prix promotionnels. On sait que les réductions de prix doivent faire référence selon Article L. 112-1-1 du code de la consommation au prix antérieur pratiqué par le professionnel avant l’application de la réduction de prix au cours des trente derniers jours précédant l’application de la réduction de prix, sauf produits périssables.
Produits, oui. Mais services ? Si le code de la consommation s’applique au professionnel, quel qu’il soit, la Commission européenne a établi des guidelines le 29 décembre 2021 (n°526/130), très clairs qui rend à nouveau la loi française illicite. Elle indique que les professionnels concernés sont «toute personne physique ou morale qui vend ou offre à la vente des produits relevant de son activité commerciale ou professionnelle », pas aux intermédiaires et, a fortiori, pas aux prestataires de services : hôtellerie, aérien, train… dont les prix varie chaque jour.
La communication permet d’annoncer des réductions de prix sans mention du prix de référence pour un rayon, une gamme de produits…
3. Programmes de fidélité et réductions de prix personnalisées. L’article 6 bis de la directive sur l’indication des prix ne s’applique pas aux programmes de fidélité des clients du vendeur.
Frédéric Fournier
Avocat Associé
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