Lorsque la détermination du loyer du bail renouvelé ne résulte pas d’un accord des parties, les règles du Code du commerce s’appliquent.
Pour mémoire, le montant du loyer du bail renouvelé est fixé à la valeur locative, laquelle est plafonnée en fonction de la variation d’indices de références (ICC ou ILAT publiés par l’INSEE).
Ce montant peut faire l’objet d’un déplafonnement, notamment en cas de modification notable d’un ou plusieurs éléments pris en compte pour sa fixation (art. L.145-33 du Code de commerce). Ainsi, le montant du loyer est porté au montant de la valeur locative qui en résulte alors même que ce montant dépasse le plafond autorisé.
En conséquence, s’applique le mécanisme du lissage du déplafonnement selon lequel « la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente » (art. L.145-34 du Code de commerce, dernier alinéa).
A l’occasion d’un litige entre un locataire et son bailleur sur le montant du loyer de renouvellement, le bailleur soulève une question prioritaire de constitutionnalité concernant les dispositions du Code de commerce issues de la loi Pinel du 18 juin 2014 sur la fixation du loyer du bail renouvelé – estimant qu’elles portent atteinte à l’économie des contrats ainsi qu’au droit de propriété.
Seule la question de constitutionnalité du mécanisme de lissage du déplafonnement est jugée sérieuse par la Cour de cassation et est renvoyée au Conseil constitutionnel (Cass. 3ème civ., 6 févr. 2020, n°19-19.503).
Le bailleur estime que la limitation de l’augmentation de loyer résultant un déplafonnement à 10% du loyer acquitté l’année précédente pourrait produire une discordance entre la valeur locative et le montant du loyer, ce qui serait constitutif d’une atteinte au droit de propriété.
Cela risquerait notamment d’entraîner un transfert de la valeur économique du droit au bail au profit du locataire, puisque le bailleur ne pourrait refuser le renouvellement du bail qu’en lui versant une indemnité d’éviction, elle-même calculée en tenant compte de la valeur du droit au bail.
Ces arguments n’ont pas prospéré.
Aux termes d’une décision du 7 mai 2020, le Juge constitutionnel confirme que le lissage du déplafonnement prévu par la loi Pinel du 18 juin 2014 est conforme à la Constitution (Cons. Const. 7 mai 2020, n°2020-837 QPC).
Le Conseil Constitutionnel répond ainsi aux trois griefs formulés par le bailleur :
- Sur le premier grief relatif au fait que cette disposition ne serait pas justifiée par un motif d’intérêt général : le législateur a entendu poursuivre un objectif d’intérêt général afin d’ « éviter que le loyer de renouvellement d’un bail commercial connaisse une hausse importante et brutale de nature à compromettre la viabilité des entreprises commerciales et artisanales » ;
- Sur le deuxième grief relatif à la perte financière importante et durable subie par le bailleur : le lissage du plafonnement permet au bailleur « de bénéficier chaque année, d’une augmentation de 10% du loyer de l’année précédente jusqu’à ce qu’il atteigne, le cas échéant, la nouvelle valeur locative » ;
- Sur le troisième grief relatif au caractère facultatif du lissage : les dispositions contestées ne sont pas d’ordre public et les parties peuvent convenir de ne pas les appliquer, soit au moment de la conclusion du bail initial, soit lors de son renouvellement ; confirmant ainsi la solution déjà retenue par la Cour de cassation (Cass. 3ème civ., 9 mars 2018, n°17-70-040).
Marie HANNEBICQUE
Avocat
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