Pratiques anticoncurrentielles, limitations des ventes et de la publicité sur Internet, géoblocking (Affaire Guess)

La Commission européenne a le 17 décembre 2018 condamné Guess à une amende de 39 821 000 d’euros, amende réduite de 50% du fait de la coopération de Guess lors des investigations.

La décision vient compléter le règlement 2018/302 sur le geoblocking, qui interdit les blocages géographiques qui entravent les achats en ligne et les ventes dans l’UE.

Si l’interdiction au distributeur des ventes passives (ventes à un consommateur non sollicité situé hors du territoire contractuel) sont interdites, le règlement n’interdit pas les restrictions sur les «ventes actives» : prospection et ciblage des clients hors territoire contractuel, par exemple grâce à la publicité, à moins qu’elles soient contraires aux règles de concurrence.

Il était reproché à Guess d’empêcher des consommateurs de l’UE de faire leurs achats dans d’autres États membres, en empêchant les détaillants de faire de la publicité et de vendre à l’étranger.

Tête d’un réseau de distribution sélective, Guess limitait par ses accords de distribution la capacité des détaillants à :

  • utiliser les marques de Guess aux fins de la publicité liée aux recherches en ligne, type google ads ou bing ads; les publicités hors territoire étaient aussi interdites ;
  • commercialiser des produits en ligne sans une autorisation préalable spécifique octroyée par Guess, sans critère de qualité défini ;
  • vendre des produits à des consommateurs situés en dehors des territoires alloués aux détaillants autorisés;
  • réaliser des ventes croisées entre grossistes et détaillants autorisés; et
  • décider en toute indépendance du prix de vente au détail auquel ils vendent des produits Guess.

Cette affaire présente un intérêt tout particulier sur l’achat de  publicité sur les moteurs de recherches.

La Commission rappelle que le titulaire d’une marque peut interdire à un annonceur de faire la publicité de biens ou de services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée à l’aide d’un mot-clé identique à la marque sélectionné par l’annonceur sans le consentement du titulaire dans le cadre d’un service de référencement Internet, dans les cas où la publicité ne permet pas à un internaute moyen, ou rend difficile pour une moyenne  internaute, de vérifier si les produits ou les services proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celle-ci ou, plutôt, d’un tiers.

La Commission précise que cette jurisprudence concerne les éventuelles atteintes à la marque sur un moteur de recherche.

En revanche, cette jurisprudence ne peut être invoquée selon la Commission pour restreindre la capacité des détaillants agréés dans les systèmes de distribution sélective, qui vendent des produits de la marque, d’utiliser ou d’enchérir sur les noms de marque pour la publicité en ligne sur les moteurs de recherche.

La Commission indique que cette restriction était destinée à réduire la pression concurrentielle exercée par les détaillants agréés sur les activités de vente en ligne du titulaire de la marque, à savoir en l’espèce Guess, et de lui maintenir ses propres coûts publicitaires.

Les accords passés par Guess constituaient donc une entente illicite.

Frédéric Fournier
Avocat Associé
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