Dépendance économique et franchise : l’approche de la Cour d’appel de Paris peut être discutée.

Dans un litige au long cours opposant Casino à un franchisé, la société Caballe Distribution, la Cour d’appel de Paris (Pôle 05 ch. 04, 3 octobre 2018) devait notamment se prononcer sur la situation de dépendance économique du franchisé à l’égard du franchiseur et les abus allégués de la part de ce dernier.

La cour explique que « pour caractériser l’existence d’une situation de dépendance économique, il convient de tenir compte de la notoriété de la marque du fournisseur, de l’importance de la part de marché du fournisseur, de l’importance de la part de fournisseur dans le chiffre d’affaires du revendeur et, enfin, de la difficulté pour le distributeur d’obtenir d’autres fournisseurs des produits équivalents. L’état de dépendance économique, pour un distributeur, se définit comme la situation d’une entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande d’approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables. »

Elle rassurera les franchiseurs en indiquant que « dans le cadre d’un réseau de franchise, la sauvegarde de l’identité du réseau ainsi que la protection du savoir faire du franchiseur justifient l’exercice, par ce dernier, d’un certain contrôle sur la politique commerciale des franchisés. Cependant un tel contrôle ne saurait excéder ce qui est strictement nécessaire à la réalisation de ces objectifs. La mise en évidence d’une situation de dépendance économique de franchisés à l’égard d’un franchiseur pourrait ainsi résulter du jeu cumulé d’un ensemble de clauses contractuelles imposées par ce dernier, dont la finalité serait de limiter la possibilité des franchisés de quitter le réseau et de restreindre leur liberté contractuelle dans des proportions dépassant les objectifs inhérents à la franchise, sans que la circonstance que ces clauses aient été volontairement souscrites puisse être opposée aux franchisés. »

Elle relève alors que sur le marché local concerné, le franchiseur disposait « d’une part de marché, sinon dominante, du moins prépondérante ».

Concernant les approvisionnements du franchisé, elle explique que le franchisé peut seulement que se fournir directement auprès des centrales de Casino, auprès des autres franchisés qui eux mêmes s’approvisionnent auprès de Casino, directement auprès des fournisseurs référencés de Casino, mais le recours à ces fournisseurs n’est possible que s’ils sont référencés et donc agréés par Casino, et enfin, pour le cas où l’exploitant trouverait des fournisseurs moins chers, dans ce cas, il doit alors soumettre lesdits fournisseurs à la procédure d’agrément imposée par Casino, « cette faculté s’avérant théorique, puisque, selon les CGV, le prix n’est connu, non au moment de la commande, mais le jour de la livraison effective, rendant donc illusoire toute comparaison de prix utile. »

La Cour analyse ensuite la clause de non concurrence pendant un an à compter du terme du contrat et la clause de non réaffiliation.

Ceci caractérise selon la Cour une dépendance économique… le franchisé se trouvant « sans aucune possibilité de diversification ou de sortie du réseau ».

Pourtant sur les mêmes thématiques, l’ADLC avait écarté la dépendance économique d’un franchisé de Carrefour le 3 mars 2010.

Rassurant à nouveau, elle infirme le jugement déféré sur l’abus de dépendance économique.

Le franchisé faisait avoir qu’il constatait des reventes à perte à cause du logiciel transmettant les tarifs.

Le franchisé ne faisait pas grief à Casino de lui avoir imposé sa politique tarifaire, par le biais du logiciel, considèrant « que le rôle du franchiseur consiste à lui indiquer le bon positionnement prix, mais de lui avoir imposé des pratiques de vente à perte, susceptibles d’entraîner la responsabilité pénale du franchiseur. »

La cour balaie le moyen : « la seule circonstance que les prix de cession s’avèrent supérieurs aux prix de vente conseillés ne suffit pas à établir le grief invoqué ».

Le franchisé aurait dû selon la Cour démontrer « en premier lieu que le prix de vente conseillé était en réalité un prix imposé par le franchiseur, le franchisé n’ayant ni la volonté, ni la capacité technique de modifier les prix et en second lieu que ces prix étaient des prix de revente à perte. »

Or, le franchisé pouvait procéder à des modifications manuelles des prix de vente conseillés.

Aucun abus n’est donc retenu.

Frédéric Fournier

Associé
Redlink