En matière de rupture brutale, mieux vaut prévenir que guérir

En matière de rupture brutale, mieux vaut prévenir que guérir

Par un arrêt du 4 avril 2012, la Cour d’appel de Douai a apporté quelques précisions quant à l’application des règles du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 (codifié à l’article D. 442-3 du Code de commerce), prévoyant la compétence spécifique de certains tribunaux pour connaître des pratiques restrictives de concurrence (régies par l’article L. 442-6 du Code de commerce), et notamment des ruptures brutales de relations commerciales.

A la suite de la résiliation sans préavis d’un contrat de partenariat commercial, une société entendait rechercher la responsabilité de son ancien cocontractant. A cette fin, celle-ci se fondait exclusivement sur le terrain contractuel (articles 1134 et 1147 du Code civil) pour réclamer la restitution de matériels, le paiement de diverses redevances et factures, et une indemnisation pour résiliation abusive. Dans le contrat, une clause attributive de juridiction désignait comme compétent le Tribunal de commerce d’Arras.

Saisi du litige, ce dernier se déclara incompétent au profit du Tribunal de commerce de Lille. La défenderesse forma contredit pour faire valoir devant la Cour d’appel de Douai qu’en matière de rupture brutale, seul le Tribunal de commerce de Paris, désigné par le décret de 2009 dans le ressort du lieu du siège social du défendeur, était compétent. La demanderesse affirma au contraire que le Tribunal de commerce de Lille était effectivement compétent car sa demande était intégralement fondée sur le terrain contractuel, et non sur le terrain de l’article L. 442-6, ce qui excluait les règles spéciales de compétence.

La Cour d’appel donne raison au défendeur et désigne comme compétent le Tribunal de commerce de Paris. En effet, celle-ci considère :

◾que la compétence des juridictions spécialisées est d’ordre public et qu’aucune clause attributive de juridiction ne peut donc lui faire échec. Cette position confirme une jurisprudence antérieure (Cour d’appel de Lyon, 3e ch. A, 18 novembre 2011, RG n° 11/04440), selon laquelle la juridiction peut même relever d’office sa propre incompétence (Cour d’appel de Rennes, 3e ch. commerciale, 13 décembre 2011, RG n° 11/03790) ;

◾que même si la demanderesse s’est fondée exclusivement sur le terrain contractuel, celle-ci a, en demandant une indemnité pour résiliation abusive, « ouvert la porte » à son adversaire qui a pu se défendre sur le terrain de l’article L. 442-6 et des règles de compétence y afférentes. Or, selon la Cour, « il faut et il suffit que ce droit des [pratiques restrictives de concurrence] soit invoqué comme moyen de défense, même de manière superfétatoire, pour que la compétence spéciale s’applique, écartant d’emblée la clause attributive de compétence » ;

◾que la clause attributive est inapplicable et qu’il convient donc de se référer aux règles de compétence de droit commun (article 42 du Code de procédure civile). Par conséquent, celle-ci désigne le Tribunal de commerce prévu par le décret dans le ressort du lieu de résidence du défendeur, à savoir le Tribunal de commerce de Paris. Par extension, il y a tout lieu de penser que l’article 46 du Code de procédure civile trouverait également à s’appliquer en pareil cas.

[Cour d’appel de Douai, 2e ch. section 1, 4 avril 2012 ; RG n° 12/00259, JurisData n° 2012-006709 ; Sarl ISO CONFORT / Sarl ALTOP]

Charles Méteaut

Avocat à la Cour

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