Les enjeux de la modification de la directive relative aux travailleurs détachés – directive du 16 décembre 1996 (96/71)

Les enjeux de la modification de la directive relative aux travailleurs détachés – directive du 16 décembre 1996 (96/71)

La France a entamé un bras de fer avec ses homologues européens concernant la modification de la directive règlementant le détachement des travailleurs au sein de l’union européenne.

Pour mieux comprendre les raisons justifiant la modification de la directive et les débats en cours, une brève description des dispositions issues de la directive du 16 décembre 1996 s’impose. 

  1. Etat des lieux

La directive définit actuellement un travailleur détaché comme un travailleur qui exécute pendant une période limitée son travail sur le territoire d’un état membre autre que celui sur lequel il travaille habituellement.

En outre, les dispositions du règlement 883/2004 du 29 avril 2004 permettent, en cas de détachement, de maintenir l’affiliation au régime de sécurité sociale du pays d’origine du travailleur pendant une durée de 24 mois.

Les entreprises accueillant actuellement les travailleurs détachés doivent leur garantir, soit par des dispositions légales, règlementaires ou administratives, soit par le biais de conventions collectives ou des sentences arbitrales déclarées d’application générale, les conditions de travail et d’emploi respectant (en synthèse) :

  • Les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos,
  • La durée minimale des congés payés annuels,
  • Le taux de salaire minimal,
  • Les conditions de mise à disposition des travailleurs,
  • La sécurité, la santé, et l’hygiène au travail,
  • Les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes,
  • L’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que d’autres dispositions en matière de non-discrimination.
  1. Les différents problèmes soulevés, la réforme proposée et la position française

La directive 96/71 dans sa rédaction initiale est, en réalité, imprécise et ne permet pas d’éviter le « dumping social » :

  • En imposant de respecter uniquement le taux de salaire minimal sans viser plus globalement la rémunération, les travailleurs détachés sont payés à un coût beaucoup plus bas que les salariés travaillant dans le pays d’accueil. Il n’existe donc à ce jour pas de réelle application du principe à « travail égal, salaire égal ». S’ajoute à cela le fait que les charges sociales peuvent, dans la limite de 24 mois, rester celles du pays d’origine. La proposition actuelle de modification de la directive vise donc à remplacer « le taux de salaire minimal » par le terme de « rémunération ». Toutefois, le projet actuel de directive n’impose pas explicitement aux employeurs des pays d’accueil de se conformer aux dispositions issues des accords collectifs d’entreprise (car seules les conventions collectives de portée générale sont visées). En outre, la France souhaiterait également que la directive impose expressément que ce socle de rémunération intègre les indemnités de transport, d’hébergement et de repos.
  • Durée du détachement : le projet de directive prévoit actuellement de limiter la durée du détachement à 24 mois tandis que la France souhaite ramener cette durée à 12 mois (impliquant donc de modifier également le règlement afférent à la coordination des systèmes de sécurité sociale).

Le projet de directive prévoit également d’autres mesures visant notamment à renforcer les règles applicables aux chaines de sous-traitance, à garantir l’égalité de traitement entre travailleurs intérimaires locaux et les travailleurs détachés ainsi qu’à mettre en place des mesures pour la lutte contre la fraude. Concernant ce dernier point, la France attend plus de fermeté pour lutter contre les entreprises dites « boîte aux lettres », dépourvues d’activité, détachant un salarié dans un pays bénéficiant d’avantages sociaux significatifs et sans que ces derniers ne soient applicables aux travailleurs détachés.

Tel est donc l’objectif du projet de directive qui sera notamment discuté lors du Conseil des ministres des affaires sociales du 23 octobre 2017 : éviter le dumping social et surtout mieux contrôler les fraudes.

 

Deborah Fallik Maymard
Avocate Associée

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