Le droit à la déconnexion : les règles et les modèles !

Le droit à la déconnexion : les règles et les modèles !

L’article L 2242-8 du Code du travail, issu de la loi du 17 août 2015, impose une négociation annuelle sur la qualité de vie au travail.

Cette loi « Travail » a ajouté un 7e alinéa à cet article imposant une négociation sur le thème du droit à la déconnexion, à compter du 1er janvier 2017. 

  1. Définition du droit à la déconnexion

 La notion de droit à la déconnexion n’est pas définie par la loi.

On peut décrire ce droit comme : celui pour le salarié de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel (smartphone, Internet, email, etc.) pendant les temps de repos et de congé.

  1. Vos obligations : un accord ou une charte

Pour les entreprises de 50 salariés et plus :  une négociation doit intervenir en 2017 entre l’employeur et les partenaires sociaux (syndicats représentatifs dans l’entreprise), quant aux modalités de mise en œuvre de ce droit à déconnexion. Ouvrez la négociation au plus vite en invitant vos syndicats.

Aucune obligation d’aboutir à un accord cependant (un PV de désaccord sera signé).

Faute d’accord l’employeur est libre de rédiger la charte comme il le souhaite.

Pour les entreprises de moins de 50 salariés : rien ne change. Aucune obligation spécifique concernant ce droit à la déconnexion (sauf disposition contraire de la convention collective). Mais nous recommandons de mettre en place une charte même dans ces sociétés dans lesquels bien souvent il existe des cadres au forfait jours et la même problématique de travail à distance avec les outils numériques.

  1. Le contenu de l’accord ou de la charte : les exigences sont limitées

Cette charte (ou l’accord), devra définir (art. L. 2242-8 du code du travail) :

  • les modalités d’exercice du droit à la déconnexion,
  • la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques (art. L. 2242-8 du code du travail).

Mais l’employeur est seul décisionnaire du contenu de cette charte.

Il devra l’élaborer après avis du Comité d’Entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Nous conseillons également de solliciter au préalable l’avis du CHSCT même si la loi est étrangement silencieuse sur ce point.

  1. Les sanctions
  • Le non-respect de l’obligation de négocier : il est sanctionné pénalement (un an d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende). Nous rappelons que la seule obligation est d’ouvrir la négociation, de la mener de bonne foi mais en aucun cas d’aboutir à un accord (signature d’un PV de désaccord)
  • En l’absence de charte aucune sanction n’est prévue par la loi.

Ceci étant, au titre de l’obligation de sécurité de résultat les employeurs pourraient indirectement être sanctionnés par les juges faute de charte au titre du respect obligatoire par les salariés des périodes de repos. L’employeur qui enfreint cette règle est passible d’une sanction pénale.

Exemple : un cadre autonome est victime d’une accident de voiture, il s’est endormi au volant. L’inspecteur du travail constate que le salarié se connectait sans arrêt (emails tardifs, travail la nuit sur des dossiers urgents, etc.). Si l’employeur est dans l’impossibilité de fournir des données relatives au respect des repos quotidien et hebdomadaire par le salarié, ainsi que les relevés de ses congés payés et autres jours supplémentaires pour les cadres au forfait jours, l’inspecteur dresse procès-verbal en raison de la gravité des faits. L’employeur sera renvoyé en correctionnelle pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui et blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de travail de plus de trois mois. Il risque une peine d’emprisonnement.

On pourrait également imaginer que :

  • les juges iront jusqu’à annuler des conventions de forfait jours en cas de connexions multiples tardives alors que la société n’a pas de charte,
  • les juges sanctionneront le défaut de charte par des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en cas de connexions multiples,
  • les juges feront droit à des demandes de prise d’acte de la rupture du contrat ou de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur.
  1. Le contenu de la charte ou de l’accord

Aucun détail dans la loi, donc l’employeur est libre de fixer le contenu de la charte : le contenu peut être très contraignant ou non.

  •  Salariés concernés

Il faudra exclure de ce droit à la déconnexion les cadres dirigeant (ce n’est toutefois pas une obligation mais un conseil car ils ne sont pas soumis aux dispositions sur la durée du travail).

  •  Le principe à définir dans la charte

Voici des exemples de texte que l’on peut retrouver dans une charte ou un accord :

« l’effectivité du respect par le salarié des durées minimales de repos implique pour ce dernier une obligation de déconnexion des outils de communication à distance ».
« afin de garantir le respect des durées maximales du travail, l’employeur veillera à rappeler que le matériel mis à sa disposition, tels qu’ordinateurs ou téléphone portable, ne doit pas, en principe, être utilisé pendant les périodes de repos ».
«les NTIC doivent être utilisées à bon escient, dans le respect des personnes et de leur vie privée. En ce sens, chacun devra agir de sorte à ce que le droit à la déconnexion de chacun, en dehors de son temps de travail effectif, soit respecté ».
« les outils numériques, s’ils constituent une opportunité notamment en matière de développement de nouvelles organisations du travail comme le travail à distance, ne doivent cependant pas conduire à confondre le temps de travail et le temps de repos ».
« chaque salarié, quel que soit son niveau hiérarchique (sauf les cadre dirigeant), veillera à se déconnecter du réseau et à ne pas envoyer de courriel en dehors des heures habituelles de travail ».

  • Faut-il définir les outils concernés par le droit à la déconnexion ?

Réponse : Non.

Exemples de clause :

« moyens de communication qui permettent d’être joignable en permanence et facilement ».
« outils de communication à distance ».
« droit individuel à la déconnexion pour tous, qui se traduit, notamment par l’absence d’obligation, pour le receveur, de répondre aux mails en dehors de son temps de travail ».
« les TIC recouvrent également l’utilisation de la messagerie électronique, mais aussi les ordinateurs portables, les téléphones mobiles, les smartphones et les tablettes ».
« nul n’est tenu de répondre aux mails ou messages, SMS, adressés durant les périodes de repos ».

  • Quelle période fixer pour la déconnexion

La liberté est totale.

Exemples :

« pendant les périodes de repos ».
« en dehors des heures habituelles de travail ».
« en dehors des horaires d’ouverture de l’établissement dans lequel le salarié accomplit régulièrement son travail ».
« le droit à la déconnexion numérique s’applique en dehors des périodes de travail et d’astreinte ».
« droit à déconnexion lors du repos quotidien, du repos hebdomadaire, des congés payés, des congés exceptionnels, des jours fériés et des jours de repos ».
« plage horaire entre 20 h 00 et 7 h 00 en semaine ».

  • Prévoir des exceptions

C’est vivement conseillé.

Exemples :

« en cas de circonstances particulières, nées de l’urgence et de l’importance des sujets traités, des exceptions au principe du droit à la déconnexion seront évidemment mises en œuvre ».
 « l’usage de la messagerie professionnelle ou du téléphone en soirée ou en dehors de jours travaillés doit être justifié par la gravité et l’urgence et/ou l’importance exceptionnelle du sujet traité ».
« il pourra être dérogé au droit à la déconnexion en cas d’intervention urgente ».
« en cas d’impératifs particuliers nécessitant la mobilisation du collaborateur ».

  • Comment faire appliquer ce droit à la déconnexion

Liberté totale de l’employeur.

Exemples :

« absence d’obligation de répondre à la messagerie professionnelle en utilisant les fonctions d’envoi différé ».
 « le rédacteur d’un message devra utiliser les fonctions d’envoi différé et s’engage à généraliser l’ajout de la phrase suivante à sa signature : « les e-mails que je pourrais envoyer en dehors des heures de travail ne requièrent pas de réponse immédiate ».
 « absence d’obligation pour le receveur de répondre aux mails »
« s’interroger sur le moment le plus opportun d’envoi d’un mail afin de ne pas créer un sentiment d’urgence, et avoir recours aux fonctions d’envoi différé. Une mention automatique pourra être intégrée dans la signature électronique de la messagerie précisant ce point »
« les salariés n’ont pas l’obligation de lire et répondre aux courriels et appels téléphoniques qui leur sont adressés. Limiter l’envoi de courriels ou d’appel téléphonique au strict nécessaire ».

  • Comment contrôler le respect du droit à la déconnexion

Liberté totale de l’employeur mais l’entreprise doit prévoir des « dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques ».

Le mieux est évidemment de prévoir un contrôle des connexions à distance le soir ou le week-end avec un dispositif qui identifie les connexions excessives aux outils de travail. Par exemple, le point de vigilance est constitué dès qu’il est enregistré durant un mois plus de cinq connexions hors période de travail, c’est-à-dire en soirée de 21 heures à 7 heures et le week-end du vendredi 21 heures au lundi 7 heures.

Le plus simple est d’inclure cette charte au règlement intérieur (avec respect de la procédure de modification du règlement) et donc de pouvoir sanctionner ceux qui ne respectent pas la Charte.

  • La formation et la communication obligatoire

Une fois la charte établie il est conseillé de la diffuser à tous les salariés et, si possible, de prévoir une formation ou une communication explicative avec émargement des salariés.

Benjamin Louzier
Avocat  Associé

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