Vente en ligne et rupture brutale : l’avis des internautes ne suffit pas…

Vente en ligne et rupture brutale : l’avis des internautes ne suffit pas… 

Une société Dimitech vendait en ligne des produits d’électroménager, à la fois sur son propre site internet « Dimitro.com », et sur divers sites « Market Place », notamment Pixmania. Peu de temps après être entrés en relations fin 2008, un contrat fut conclu entre ces deux entreprises, au terme duquel celui-ci pourrait être résilié immédiatement et sans préavis par Pixmania dans l’hypothèse où la société partenaire ferait l’objet d’évaluations positives inférieures à 90% de la part des internautes. 

Or, en décembre 2010, soit 19 mois après le début de leur relation, la société Pixmania décida de supprimer le lien permettant à Dimitech de mettre en ligne son propre catalogue de produits, au motif que cette dernière enregistrait moins de 90% d’évaluations positives, les internautes étant particulièrement critiques au sujet des livraisons.

Contestant toutefois une telle décision, la société Dimitech assigna le 14 avril 2011 la société Pixmania en rupture brutale sur le fondement de l’article L. 442-6 du Code de commerce. Par un jugement du 13 septembre 2011, le Tribunal de commerce de Paris fit droit à la demande et condamna la société Pixmania à payer à la société Dimitech une somme de 41.666 Euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale, d’1.000.000 d’Euros résultant de la perte de chance et de 25.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 24 janvier 2013, confirme partiellement ce jugement au terme de la motivation suivante :

  • si le contrat conclu prévoit comme cause de résiliation immédiate sans préavis l’hypothèse où la société partenaire ferait l’objet d’évaluations positives inférieures à 90% de la part des internautes, l’exploitant de la plateforme ne rapporte pas la preuve objective de ce grief supposant que soit établi de façon non contestable un manquement envers la clientèle ;
  •  un tel manquement n’est pas constitué par des problèmes de livraison dans la mesure où les éléments fournis ne permettent pas de vérifier l’identité des internautes à l’origine des notations, ni la teneur de leur appréciation (système de notation par « étoiles ») ;
  •  indépendamment de la brièveté de la relation commerciale de 19 mois, la durée de préavis d’un mois visée au contrat n’est pas le seul élément pour apprécier le montant de la réparation, dès lors que l’objectif du préavis est de permettre au cocontractant évincé de se réorganiser ; or les relations commerciales des parties débordant le cadre des ventes en France pour s’élargir au « marché de l’Europe », cela induisait selon la Cour des difficultés de réorganisation pour le partenaire évincé ;
  •  la durée du préavis raisonnable doit en conséquence être fixée à 2 mois ;
  •  le préjudice se calcule sur la marge brute réalisée par Dimitech sur un an (35.000 Euros accordés).

[Cour d’appel de Paris, pôle 5, Ch. 5, 24 janvier 2013, RG n° 11/17149, SAS Pixmania / SAS Dimitech (administrateur judiciaire)]

 

Charles Méteaut
Avocat à la Cour

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