Risque pénal pour l’entreprise et ses dirigeants : employer d’anciens salariés comme travailleurs indépendants

Risque pénal pour l’entreprise et ses dirigeants : employer d’anciens salariés comme travailleurs indépendants

Dans une décision du 15 décembre 2015 (Cass. crim., 15 décembre 2015, nº 14-85.638 F-PB) le lien de subordination juridique, caractéristique d’une relation de salariat, a été reconnu entre une société et d’anciens salariés qui, sous le statut d’auto-entrepreneurs, avaient poursuivi l’activité de prospection téléphonique qu’ils exerçaient antérieurement dans le cadre d’un contrat de travail. 

Voici les éléments de faits retenus contre l’entreprise sur le plan pénal :

  • des modalités d’exécution du travail largement imposées par la société, traduisant l’absence de toute autonomie laissée aux intéressés (utilisation d’un listing clients et d’une procédure commerciale définie à l’avance, obligation de rendre compte du résultat des démarches téléphoniques, accomplissement de tâches sans rapport avec l’objet du contrat, respect d’horaires de travail, possibilité pour la société de résilier le mandat en cas de mauvais résultats)
  • l’établissement par la société des factures dont elle était débitrice à l’égard des auto-entrepreneurs ;
  • ces derniers travaillaient exclusivement pour son compte, sur les mêmes fonctions et selon les mêmes modalités d’exécution du travail qu’antérieurement ;
  • concordance exacte entre la date de création de l’auto-entreprise et la date du début de la mission.

La société a été condamnée au pénal pour travail dissimulé car le fait de maquiller sciemment une relation salariale en contrat d’entreprise pour échapper à ses obligations d’employeur caractérise une fraude constitutive du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, dans les conditions précisées à l’article L. 8221-5 du code du travail.

Mais le risque est aussi civil : dans une autre affaire (Cass. soc., 6 mai 2015, nº 13-27.535 F-D) qui portait sur la requalification d’une mission en contrat de travail, les juges ont relevé divers indices attestant d’un lien de subordination juridique entre une société et un auto-entrepreneur lui facturant des services d’agent commercial:

  • le respect d’un planning quotidien précis et établi par le donneur d’ordre,
  • l’obligation d’assister à des entretiens individuels et à des réunions commerciales,
  • des objectifs de chiffre d’affaires annuel imposés par le donneur d’ordre,
  • l’obligation d’enregistrer les ventes réalisées selon une procédure déterminée, avec remontrances lorsque celle-ci n’est pas suivie

Conclusions :

En résumé les critères à éviter sont :

  • l’existence d’une relation salariale antérieure avec le même employeur, pour des fonctions identiques ou proches ;
  • un donneur d’ordre unique ;
  • le respect d’horaires, justification des congés et absences ;
  • le respect de consignes autres que celles strictement nécessaires aux exigences de sécurité sur le lieu d’exercice, pour les personnes intervenantes, ou bien pour le client, ou encore pour la bonne livraison d’un produit ;
  • une facturation au nombre d’heures ou en jours ;
  • une absence ou une limitation forte d’initiatives dans le déroulement du travail ;
  • l’intégration à une équipe de travail salariée ;
  • la fourniture de matériels ou équipements (sauf équipements importants ou de sécurité) ;
  • une carte de visite, un email au nom de l’entreprise cliente.

Benjamin Louzier
Avocat Associé

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