Selon la loi du 5 mars 2014, chaque salarié doit bénéficier d’un entretien professionnel tous les deux ans. Celui-ci porte sur les perspectives d’évolution professionnelle du salarié notamment en termes de qualification et d’emploi. Tous les six ans, l’entretien doit donner lieu à un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. En cas de manquements : une sanction de nature financière, dite « abondement sanction », très coûteuse pour les entreprises, peut être appliquée. 1. Quelles sont vos obligations ? Selon l’article L. 6315-1 du Code du travail: « Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une formation autre que celle mentionnée à l’article L. 6321-2, son compte personnel est abondé dans les conditions définies à l’article L. 6323-13 ». 2. Qui doit verser les 3.000 euros/salarié ? En pratique, l’abondement-sanction, relève d’une initiative de l’employeur qui doit « spontanément » abonder le CPF des salariés concernés à hauteur de 3 000 € s’il constate avoir manqué à ses obligations. 3. Quels sont les entretiens dont la réalisation doit être justifiée ? Il s’agit des entretiens biennaux et de l’entretien récapitulatif. Si les premiers ont en principe lieu tous les deux ans, un accord collectif d’entreprise ou, à défaut de branche, peut aménager une périodicité différente, plus faible ou plus longue, sans doute dans certaines limites. Les seconds ont lieu tous les six ans, sans possibilité d’aménagement. Ils doivent, selon le ministère du Travail, être réalisés « avant que le salarié n’atteigne les sept ans d’ancienneté ». 4. Quelle est la date limite pour les entretiens ? 30 septembre 2021. 5. Quelles sont les formations dont l’employeur doit avoir fait bénéficier le salarié ? Les formations visées sont les formations non obligatoires, c’est-à-dire celles qui ne conditionnent pas l’exercice d’une activité ou d’une fonction en application d’une convention internationale, de dispositions légales ou réglementaires. Le ministère vient de préciser, dans le questions-réponses récemment actualisé, qu’une action de formation non obligatoire co-financée par le salarié dans le cadre de son compte personnel de formation pouvait, sous certaines conditions, être prise en compte pour vérifier que l’employeur avait bien respecté son obligation (Questions-réponses mis à jour le 21 juin 2021, question nº 4). Par ailleurs, jusqu’au 30 septembre 2021, l’employeur dispose d’un droit d’option : il peut satisfaire à ses obligations soit en ayant fait bénéficier le salarié d’une formation non obligatoire, soit en justifiant que le salarié a bénéficié de deux des trois mesures suivantes : avoir suivi une action de formation, avoir acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de l’expérience ou avoir bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle. 6. Comment vous défendre en cas de contrôle si vous n’êtes pas en règle ? Pour le ministère du Travail, les critères fixés par la loi sont cumulatifs. Ainsi, un manquement à un seul critère suffirait à faire naître l’obligation d’abonder le CPF du salarié (Questions-réponses mis à jour le 21 juin 2021, question nº 2). Pourtant, la lettre du texte qui emploie deux négations pourrait selon nous plus logiquement aboutir à une lecture conduisant au « ni, ni ». C’est la lecture qu’avait faite le rapporteur de la loi de 2014 qui a instauré entretiens et sanction puisque selon lui, le texte avait vocation à s’appliquer dans les « entreprises d’au moins 50 salariés, lorsqu’un salarié n’a bénéficié ni des entretiens professionnels ni d’au moins deux des trois mesures précédemment citées » (cf. Rapport sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la formation professionnelle, nº 1754, tome I). C’est également la lecture qu’a faite très récemment la Cour d’appel de Paris, dans une affaire où était questionnée l’application de l’article L. 6315-1 du Code du travail dans sa version applicable à l’époque, mais libellée en des termes identiques sur la question de l’abondement-sanction : elle refuse ainsi au salarié le bénéfice de l’abondement en relevant que si l’employeur ne démontrait pas avoir organisé les entretiens professionnels, le salarié avait bel et bien bénéficié d’une action de formation et d’une progression salariale. Elle en déduit que « les conditions prévues par (…) [le II de l’article L. 6315-1 du Code du travail] ne sont pas remplies » (CA Paris, pôle 6, ch. 10, 2 décembre 2020, nº 18/05343). 7. Comment vont se faire les contrôles ? Le respect de ces obligations est susceptible d’être contrôlé par les agents des services régionaux de contrôle de la formation professionnelle. Si un manquement est constaté, et à défaut de versement spontané, l’administration pourra, à l’issue d’une procédure contradictoire, mettre en demeure l’employeur de régulariser le montant dû, sans majoration. Le législateur consacre ainsi un « droit à l’erreur » au bénéfice de l’entreprise. Ce n’est que si elle ne se conforme pas à l’injonction qu’il devra verser au Trésor public un montant équivalent à l’insuffisance constatée majorée de 100 % (C. trav., art. L. 6323-13). En application des dispositions des articles L. 6323-13 du Code du travail et L. 176 alinéa 1 du Livre des procédures fiscales, le contrôle administratif en matière d’abondement-sanction peut être exercé pendant une période de trois ans suivant l’année au cours de laquelle l’abondement est exigible. Benjamin Louzier Avocat à la Cour, Associé Redlink Tel. 33 (0)1 73 31 00 03 – Fax. 33 (0)1 73 31 00 30 Email: louzier@redlink.fr |