La Cour de cassation vient de juger (Cass. soc. 17 mars 17 mars 2021, Pourvoi nº 18-25.597) que l’enquête effectuée à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral :
- n’a pas à être préalablement portée à la connaissance de l’auteur présumé des agissements,
- que les éléments de preuve issus de celle-ci peuvent être produits en justice à l’appui d’un licenciement,
- même si le salarié visé n’a pas été avisé en amont de son existence, ni même entendu à cette occasion,
- les conclusions de l’enquête n’ont pas à lui être signifiées.
- Sur l’obligation d’ouvrir une enquête
S’il est informé de faits susceptibles de constituer un harcèlement, l’employeur doit, conformément à son obligation de sécurité, prendre immédiatement des mesures aux fins de faire cesser ces agissements (C. trav., art. L. 4121-1 et L. 1152-4).
Le lancement d’une enquête constitue la première étape.
L’enquête peut conduire, si les faits sont avérés, à une sanction à l’égard de l’auteur des faits pouvant aller jusqu’au licenciement (C. trav., art. L. 1152-5).
- Les faits
Une salariée a été licenciée pour faute grave le 13 octobre 2014 suite à un audit réalisé par une entreprise extérieure spécialisée en risques psychosociaux. Celui-ci a en effet démontré, à la suite d’entretiens avec des salariés de l’entreprise, qu’elle avait proféré à de nombreuses reprises, des insultes à caractère racial et discriminatoire et causé des perturbations graves de l’organisation et de l’efficacité collective.
Mais la salariée a contesté le bien-fondé de son licenciement et porté le litige devant la juridiction prud’homale, reprochant à l’employeur de ne pas l’avoir informée de la tenue de l’audit, ni même d’avoir été entendue pendant l’enquête. Le licenciement reposant sur ces éléments de preuve, collectés selon elle de manière illicite, serait dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Un argumentaire rejeté par la Cour de cassation.
- La décision
La décision est claire :
« une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du Code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié ».
Autrement dit, le moyen de preuve tiré du compte-rendu d’un audit suite à un harcèlement moral est recevable, quand bien même le salarié concerné n’en aurait pas été préalablement informé et quand bien même il n’aurait pas fait l’objet d’une audition au cours de cet audit.
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation avait déjà jugé recevables les résultats d’une enquête menée auprès de seulement la moitié des collaborateurs du salarié auteur des agissements alors que, dans la lettre de licenciement, l’employeur s’était prévalu d’agissements de harcèlement moral envers tous les collaborateurs (Cass. soc., 8 janvier 2020, nº 18-20.151).
- Conclusion et conseil pratique
Cette décision va incontestablement aider les employeurs. Ceci étant, afin que l’enquête soit parfaitement contradictoire nous conseillons :
- l’audition du mis en cause à la fin de l’enquête après les auditions des salariés victimes
- les auditions de témoins qui pourraient être demandées par le mis en cause.
Benjamin Louzier
Avocat Associé