Dans plusieurs arrêts récents, la Cour d’appel de Paris apporte des précisions sur le champ d’application de l’article L. 341-2 du Code de commerce, issu de la loi « Macron » du 6 août 2015, qui dispose que :
« I.-Toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite.
II.-Ne sont pas soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s’en prévaut démontre qu’elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :
1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat mentionné au I ;
2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat mentionné au I ;
3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat mentionné au I ;
4° Leur durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1. »
- Sur le secteur concerné par le dispositif
Dans un arrêt du 27 janvier 2021 (RG n° 19/03581), la Cour rappelle que ce dispositif ne s’applique qu’au secteur du commerce de détail, de sorte que le contrat de franchise conclu dans le secteur du travail temporaire n’est pas concerné :
« C’est par de justes motifs que la Cour adopte que le tribunal de commerce a dit inapplicables en l’espèce les dispositions de l’article L.341-2 du code de commerce issues de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, au motif qu’une agence de travail temporaire n’est manifestement pas susceptible de rentrer dans les prévisions du législateur au titre des commerces de détail qui sont les seuls visés par ce texte. »
- Sur l’application dans le temps du dispositif
Dans un arrêt du 19 février 2020 (n°16-19954), la Cour considère que le dispositif ne peut s’appliquer aux clauses de non-concurrence post-contractuelles dont le terme est intervenu avant son entrée en vigueur (6 août 2016) :
« L’article L.341-2 du code de commerce issu de la loi Macron du 6 août 2015 dont [le franchisé] fait état n’est pas applicable aux faits en examen, antérieurs à son entrée en vigueur. »
En revanche, dans un arrêt du 3 février 2021 (n°19/03895), elle confirme sa position selon laquelle le dispositif s’applique aux contrats ou aux clauses de non-concurrence post-contractuelles qui étaient en cours lors de son entrée en vigueur (6 août 2016) :
« Toutefois, l’article 31 II de la loi du 6 août 2015 dispose que le I de cet article, qui crée l’article L.341-2 du code de commerce, s’applique à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi.
Il s’en déduit qu’un an après la promulgation de la loi, est réputée non écrite toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L.341-1, tel le contrat de distribution, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui l’a précédemment souscrit.
En l’espèce, les contrats de franchise ont été signés entre les parties pour des magasins situés dans les villes de Chambéry, Grenoble et Valence, les 29 mars et 8 juillet 2011 pour une durée de cinq années. Ces contrats sont arrivés à échéance les 5 mars et 8 juillet 2016 et non pas été renouvelés selon les explications des parties. La clause de non concurrence post contractuelle d’une durée d’une année était cependant bien en cours lors de l’entrée en vigueur de l’article L.341-2 le 6 août 2016 qui est dès lors applicable au litige. »
Cette solution est pourtant critiquable, la Cour de cassation considérant en principe que, par application de l’article 2 du Code civil, les effets d’un contrat conclu antérieurement à la loi nouvelle, même s’ils continuent à se réaliser postérieurement à cette loi, demeurent régis par les dispositions de la loi sous l’empire de laquelle le contrat a été conclu (ex. : Cass. civ. 1ère, 4 mai 1982, n°81-11.539).
Conformément à ce principe, dans un arrêt du 6 novembre 2018 (n°16/01406), s’agissant d’une clause de non-concurrence postcontractuelle stipulée dans un contrat conclu antérieurement à l’entrée en vigueur du dispositif, la Cour d’appel de Rennes a ainsi jugé que :
« L’article L 341-2 du [Code de commerce] (…) n’est pas applicable au litige pour n’avoir été institué que par la loi du 6 août 2015, soit postérieurement à la conclusion du contrat litigieux. »
Il convient d’ajouter qu’aux termes de l’ancien article L. 442-6, II, e) du Code de commerce, seulement abrogé en avril 2019, il était prévu que :
« Sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité : (…) e) D’obtenir d’un revendeur exploitant une surface de vente au détail inférieure à 300 mètres carrés qu’il approvisionne mais qui n’est pas lié à lui, directement ou indirectement, par un contrat de licence de marque ou de savoir-faire, un droit de préférence sur la cession ou le transfert de son activité ou une obligation de non-concurrence postcontractuelle, ou de subordonner l’approvisionnement de ce revendeur à une clause d’exclusivité ou de quasi-exclusivité d’achat de ses produits ou services d’une durée supérieure à deux ans ».
Concernant les magasins de commerce de détail d’une surface inférieure à 300 mètres carrés, les clauses de non-concurrence post-contractuelles stipulées dans un « contrat de licence de marque ou de savoir-faire » étaient ainsi en principe valables.
Régis Pihery
Avocat Associé