- Mise en danger d’autrui
Infraction :
C’est sur le fondement de la mise en danger d’autrui que des plaintes pénales ont été déposées.
La CGT a ainsi annoncé qu’elle en avait déposé une contre Amazon, le 31 mars, après que l’entreprise a refusé à 200 salariés l’exercice de leur droit de retrait.
Pour Amazon, le droit de retrait, qui « implique un danger grave et imminent […] ne s’applique pas, étant donné les mesures mises en place depuis plusieurs semaines et régulièrement renforcées depuis ».
Le délit de mise en danger d’autrui est défini par l’article 223-1 du Code pénal comme « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». Ce délit est puni d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.
Ici, l’infraction est constituée en l’absence de tout résultat dommageable. Elle permet de sanctionner un comportement dangereux.
Solution de défense :
Appliquée au risque sanitaire que fait courir le Covid-19 dans l’entreprise, la mise en œuvre de cette incrimination se heurte, à l’absence d’« obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ».
Une violation de l’obligation générale de sécurité incombant au chef d’entreprise ne suffit pas. Il faut démontrer en quoi ce dernier ou son représentant a enfreint une règle spéciale.
Cette obligation peut provenir d’un décret.
Or, à ce jour, aucune loi, aucun règlement n’impose l’usage de gel hydroalcoolique, de produits désinfectants, ni le port de masques sur le lieu de travail. Les actions pénales sur ce fondement sont donc contestables.
2. Non assistance à personne en danger
Infraction :
C’est sur le fondement du délit d’omission de porter secours que des plaintes ont été déposées.
Ce délit est prévu et réprimé au deuxième alinéa de l’article 223-6 du Code pénal, lequel sanctionne « le fait pour quiconque de s’abstenir volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ».
Comme pour la mise en danger d’autrui, cette infraction peut être caractérisée en l’absence de tout résultat dommageable. Elle peut aussi être retenue à titre de circonstance aggravante lorsque le risque se réalise. C’est sur ce fondement que la CGT Commerce a déposé plainte à l’encontre de Carrefour, à la suite du décès d’une salariée du Covid-19. Le syndicat fait valoir que les vitres en plexiglas protégeant les caissières n’ont été mises en place que tardivement (le 20 mars 2020) au sein de l’établissement en cause, que le personnel n’a pas reçu de masques et que tous les rayons sont ouverts au public, et non les seuls rayons correspondants à des achats de première nécessité. À supposer que les mesures de protections se soient avérées insuffisantes, cela suffira-t-il à caractériser l’abstention volontaire incriminée par le texte ? Ce n’est pas certain.
Solution de défense :
Quoi qu’il en soit, en cas de contamination ou de suspicion de contamination, l’employeur doit impérativement réagir sous peine de voir sa responsabilité pénale engagée pour non-assistance à personne en danger. Il devra ainsi immédiatement renvoyer le salarié à son domicile ou appeler le 15 si ce dernier présente des symptômes graves. Il devra encore informer les salariés ayant été en contact avec le salarié contaminé et désinfecter immédiatement les espaces de travail du salarié concerné.
3. Homicide ou blessure involontaire
Infraction :
Dans toutes les hypothèses où la victime aura effectivement déclaré un Covid-19, le plaignant pourra être tenté d’agir sur le fondement des dispositions du Code pénal réprimant les infractions d’homicide ou de blessures involontaires.
Solution de défense :
La victime devra néanmoins démontrer un lien de causalité certain entre l’absence de mesures de protection et la survenance de la maladie. En pratique, la preuve semble difficile à rapporter au regard de la contagiosité du virus qui pourra avoir été contracté en tout autre lieu ou dans l’entourage du salarié.
4. Eviter les risques de poursuite : rappel des règles
Pour se prémunir d’une mise en cause de sa responsabilité pénale, l’employeur se doit d’adopter certains réflexes, parmi lesquels :
- si ce n’est pas déjà fait, convoquer sans délai un CSE extraordinaire dont l’objet sera d’organiser la sécurité des salariés poursuivant leur activité ;
- veiller au strict respect des règles de distanciation et des gestes barrière ;
- recourir au télétravail et à la visioconférence toutes les fois où cela est possible ;
- annuler ou reporter tous les déplacements non indispensables ;
- actualiser le document unique d’évaluation des risques après avoir procédé à l’évaluation des risques encourus du fait de l’épidémie et à la planification des actions à mettre en œuvre en association avec les représentants du personnel et la médecine du travail.
Benjamin Louzier
Avocat Associé