#activitépartielle #covid19 : moins de 50 salariés, pourquoi nous vous conseillons de consulter le Comité social et économique (CSE) depuis la modification du Code du travail le 25 mars dernier … malgré les précisions apportées par le Ministère du travail depuis le 3 avril sur son site internet ?

L’effectif habituel de votre entreprise se situe entre 11 et 50 salariés. Votre entreprise est dotée d’un Comité social et économique (CSE), avec un ou deux membres titulaires (selon l’effectif).

Est-il ou non recommandé de consulter le CSE à l’occasion de la mise en place de l’activité partielle dans votre entreprise ?

La consultation du CSE au titre de la demande d’autorisation d’activité partielle : le texte nouveau issu du décret du 25 mars 2020

Quels étaient les textes applicables jusqu’au 25 mars 2020 ?

Le 6ème alinéa de l’article R. 5122-2 du Code du travail disposait qu’« elle (la demande préalable d’autorisation d’activité partielle) est accompagnée de l’avis préalable du comité social et économique en application de l’article L. 2312-17 ».

Or l’article 2312-17 du Code du travail figure au sein de la Section 3 relatives aux « attributions du CSE dans les entreprises d’au moins cinquante salariés ».

Compte tenu de ce renvoi, l’on pouvait considérer que l’avis préalable du CSE n’était obligatoire que pour les entreprises d’au moins 50 salariés, même s’il restait opportun de recueillir cet avis également en deçà de ce seuil.

Comment la consultation du CSE est-elle devenue obligatoire pour tous les entreprises dotées d’un CSE ?

Le décret du 25 mars a modifié l’alinéa 6 de l’article R.5122-2 du Code du travail et supprimé le renvoi à l’article L.2312-17 du Code du travail.

Le 6ème alinéa de l’article R.5122-2 est remplacé par les dispositions suivantes : « Elle (la demande d’autorisation d’activité partielle) est accompagnée de l’avis préalablement rendu par le comité social et économique, si l’entreprise en est dotée. Par dérogation, dans les cas prévus au 3° ou au 5° de l’article R. 5122-1, cet avis peut être recueilli postérieurement à la demande mentionnée au premier alinéa, et transmis dans un délai d’au plus deux mois à compter de cette demande ».  

La nouvelle rédaction de ce 6ème alinéa par le décret du 25 mars 2020 supprime tout renvoi à l’article L.2312-17 du Code du travail, relatif aux attributions du CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

Le texte en vigueur ne fait désormais plus aucune distinction entre les entreprises de plus ou moins cinquante salariés.

La suppression du renvoi précédemment opéré, ainsi que la précision apportée par le texte « le comité social et économique, si l’entreprise en est dotée » conduit en droit à la solution suivante : en application de l’article R. 5122-2 modifié du Code du travail, toutes les entreprises dotées d’un CSE, y compris celles dont l’effectif est inférieur à 50 salariés, devront consulter pour avis le Comité.

Quelle est la portée de la précision apportée par le Ministère du travail dans sa « fiche d’information » (3 avril 2020) pour assouplir la règle ?

Le Ministère du travail n’avait manifestement pas « compris » la portée de la suppression du renvoi à l’article L.2312-17 du Code du travail.

Pour notre part, nous avions immédiatement « regretté le choix de cette période des plus délicates pour ajouter une contrainte nouvelle sur les entreprises de moins de 50 salariés contraintes de solliciter une mesure d’activité partielle, alors même que l’objectif affiché par le Décret est d’alléger les contraintes … » (notre article du 27 mars)

Le Ministère du travail semble souhaiter opérer un retour en arrière, du moins si l’on s’en tient aux précisions apportées le 3 avril dans la fiche d’information diffusée sur son site internet :

« 7/ La consultation du CSE dans les entreprises de moins de 50 salariés est-elle requise ? (ajouté le 03.04.20)

Non. La consultation du CSE ne concerne que les entreprises d’au moins 50 salariés ».

Le caractère péremptoire de l’affirmation est pour le moins surprenant eu égard à la rédaction nouvelle du Code du travail.

La réponse n’en témoigne pas moins de la volonté du Ministère du travail d’écarter ou à tout le moins d’assouplir la règle nouvelle, sans doute posée involontairement ( ! ), pour ne pas pénaliser les salariés et les entreprises dans cette période exceptionnelle.

C’est en substance ce qu’il faut lire au point 8/ du document :

« 8 / En l’absence de CSE, la demande d’activité partielle peut-elle être autorisée ? (ajouté le 03.04.20)

Oui, de manière exceptionnelle. Pour rappel, l’obligation de mise en place d’un CSE est effective depuis le 1er janvier 2020. (…) Afin de ne pas bloquer les demandes d’activité partielle de ces entreprises et dans l’intérêt des salariés, ces entreprises devront s’engager à organiser des élections professionnelles dès que possible, c’est-à-dire, dès la levée »

On conviendra que le point 8 fait nécessairement référence tant aux entreprises d’au moins 50 salariés qu’à celles de moins de 50, le CSE (à la différence de l’ancien Comité d’entreprise) concernant toutes les entreprises ayant atteint l’effectif de 11 salariés (pendant au moins 12 mois).

En l’état de la version mise en ligne par le Ministère du Travail, on peut en déduire que l’administration ne « devrait pas » refuser les demandes d’autorisation d’activité partielle au motif que l’avis du CSE ne serait pas produit par une entreprise de moins de 50 salariés.

On pourra certes observer que le « document en ligne » sur le site du Ministère du travail n’est pourvu d’aucune portée juridique, ne constituant pas même une circulaire.

Pour autant, la position exprimée nous paraît pouvoir être opposée à l’administration elle-même dans le seul cadre de la tolérance posée (à ce stade) pour l’interprétation du décret.

En revanche, elle sera juridiquement difficilement opposable à des représentants du personnel ou à des salariés, qui invoqueraient simplement l’application du décret.

En pratique, dans les entreprises de moins de 50 salariés, la consultation du CSE nous paraît nécessaire, sinon recommandée

Ainsi qu’il a été précisé ci-dessus, l’article R.5122-2 du CT (modifié par décret du 25 mars 2020) ne distingue désormais plus selon que l’effectif de l’entreprise est de plus ou moins 50 salariés.

Certes, dans les entreprises de moins de 50 salariés, le CSE n’exerce pas de « compétences économiques » (l’article L. 2312-17 du Code du travail étant propre aux entreprises d’au moins 50 salariés).

Pour autant, dans ces mêmes entreprises, le CSE est bien doté des attributions auparavant dévolues aux délégués du personnel, parmi lesquelles les sujets relatifs à la santé, la sécurité aux conditions de travail. Le CSE est par exemple consulté sur les critères d’ordre des départs en congés payés à défaut d’accord, les arrêt de travail pour intempéries etc… (article L. 2315-18 et s. du CT).

Il ne serait guère cohérent de consulter le CSE en cas d’arrêt du travail dans le cadre de congés intempéries (article L. 5424-9 du Code du travail), pour s’en dispenser préalablement à la mise en place de l’activité partielle décidée à l’occasion de la pandémie de Covid19.

Consulter le CSE pour avis sur la mise en place de l’activité partielle et ses conséquences sur l’organisation du travail dans l’entreprise, y compris dans les entreprises de moins des 50 salariés, est donc selon nous cohérent et recommandé.

Cette consultation paraît d’autant plus opportune que :

  • en application du décret du 25 mars 2020, cet avis du CSE peut être recueilli postérieurement à la demande : l’entreprise disposera d’un délai d’au plus de 2 mois à compter du dépôt de la demande pour solliciter cet avis du CSE et le communiquer à la Direccte ;
  • au besoin, le CSE pourra être réuni en visio-conférence (article L. 2315-4 du Code du travail et surtout l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020) ;
  • l’avis du CSE, même s’il devait être défavorable, n’empêche nullement l’entreprise de solliciter puis de mettre en œuvre l’activité partielle : certes dans ce dernier cas, on pourrait s’interroger sur l’opportunité d’adresser spontanément l’avis défavorable à la Direccte, compte tenu de l’interprétation actuelle de l’administration affichée sur son site internet.

Au surplus, en l’absence de représentant du personnel dans l’entreprise, la Direccte prend soin d’inviter les entreprises à informer préalablement les salariés de la mesure d’activité partielle.

Pour une entreprise de moins de 50 salariés, il est simple de réunir le CSE en visio-conférence (composé d’un ou deux membres titulaires selon l’effectif) et de recueillir son avis.

Au niveau collectif, il n’y a aucun raison pratique ou juridique de se dispenser de cet échange avec les représentants du personnel, alors même que l’entreprise traverse des circonstances exceptionnelles qui la conduisent à cesser (en tout ou partie) le travail. Cela ne dispensera pas l’entreprise d’une information individuelle des salariés concernés notamment sur leurs nouveaux horaires (dès l’autorisation accordée ou la mise en place effective si elle est intervenue sans attendre l’autorisation).

En conclusion, le rapport avantages/risques de consulter le CSE sur la demande d’activité partielle dans une entreprise dotée d’un CSE mais dont l’effectif est inférieur à 50 salariés, ne laisse guère place au doute. Dans tous les cas, s’il n’a pu être consulté avant le dépôt de la demande, le CSE sera informé avant d’informer les salariés concernés. Vous pourrez trouver en téléchargement sur le lien ci-après notre fiche d’information sur l’activité partielle, que nous mettons à jour régulièrement : fiche pratique complète « activité partielle »

Laurent Babin
Avocat Associé
Redlink Nouvelle Aquitaine