Après le rejet par le Parlement britannique, le 15 janvier 2019, de l’Accord de retrait, et en l’état actuel des discussions, le risque d’un Brexit sans accord (« no deal ») a significativement augmenté.
I – En cas d’accord :
L’Accord de retrait proposé par la Commission européenne au Royaume-Uni prévoit des dispositions transitoires en matière de droits de propriété intellectuelle.
En matière de marques de l’Union européenne, le Royaume-Uni s’engagerait à reconnaître, sans réexamen, les droits de titulaires, à la condition que les droits concernés aient été enregistrés avant la fin de la période de transition, soit le 31 décembre 2020 au plus tard (sauf prorogation possible de deux ans).
- S’agissant des marques de l’Union européenne enregistrées, les titulaires bénéficieraient au Royaume-Uni de la même date de dépôt ou de priorité que celle du droit européen et la date du renouvellement au Royaume-Uni serait celle de l’échéance du droit européen. Ce système fonctionnerait sur une base de « opt-out », ce qui signifie que les titulaires de droits auraient la possibilité de refuser de recevoir une marque britannique enregistrée équivalente à leur marque de l’Union européenne. Il n’est pas encore précisé dans quel délai cela pourra être fait.
Pour les dessins et modèles, la date de dépôt ou de priorité prise en compte pour le droit « comparable » sera celle prise en compte dans l’Union européenne et la durée de la protection accordée à ce droit expirera à la date à laquelle elle expire dans l’Union européenne.
Un point important est le fait que la création d’un titre « comparable » sera gratuite et sans formalité.
- S’agissant des demandes de marques ou de dessins et modèles de l’Union européenne qui seraient toujours en cours d’examen au 31 décembre 2020, les déposants bénéficieraient d’une période de 9 mois à compter de cette date pour déposer une demande correspondante au Royaume-Uni, en bénéficiant de la date de dépôt de la demande de l’Union européenne. Ils conserveront la date de dépôt, la priorité et éventuellement la revendication d’ancienneté du dépôt dans l’Union. A défaut de dépôt au Royaume-Uni dans cette période de 9 mois, si la demande de marque ou de dessins et modèles de l’Union européenne est ultérieurement enregistrée, elle ne le serait que dans les 27 pays membres restants de l’Union européenne, hors Royaume-Uni.
- En matière de marques internationales, obtenues par le biais d’une convention internationale, le système de Madrid, une continuité serait également assurée.
- Les dessins et modèles communautaires non enregistrés créés avant la fin de la période de transition seront protégés au Royaume-Uni jusqu’à la fin de la période de protection en tant que droit de l’Union. Cependant, ce type de droit reste à créer au Royaume-Uni.
- Toutes ces dispositions auraient bien entendu un caractère transitoire dans le sens où, à compter du 1er janvier 2021, tous les droits qui en auraient bénéficié ne seraient plus régis par les textes de l’Union européenne mais par le droit national en vigueur au Royaume-Uni.
II – En l’absence d’accord :
Les titulaires de droits de propriété intellectuelle doivent envisager ce scenario. L’office anglais des marques a maintenu sa position officielle de l’automne dernier qui consiste à rassurer les titulaires de marques de l’Union Européenne. En effet, le UKIPO affiche sa volonté de reconnaître la validité des marques de l’UE sur le sol britannique dans une note d’information relative aux marques et dessins et modèles publiée le 17 janvier 2019.
- les marques de l’Union européenne enregistrées avant la date de retrait resteraient valides dans les Etats membres de l’UE-27, mais n’auraient plus d’effet au Royaume-Uni à partir de la date de retrait, soit le 29 mars 2019. A cette date, les titulaires de marques européennes et de dessins et modèles communautaires enregistrés bénéficieront d’un nouveau droit britannique équivalent, qui entrera en vigueur à la date officielle de sortie de l’Union européenne. Selon le Gouvernement britannique, ce nouveau droit britannique sera accordé « avec des formalités administratives minimes » (sans autre précision à ce stade). Les marques et dessins et modèles seront alors traités comme s’ils avaient été déposés et enregistrés sous la loi britannique. Cela signifie concrètement que ces marques et dessins et modèles (i) devront être renouvelés au Royaume-Uni, (ii) pourront servir de fondement aux litiges engagés devant les Cours britanniques ou le tribunal de l’Office britannique de la propriété intellectuelle et (iii) pourront être cédés ou concédés en licence indépendamment des droits européens.
- Les mêmes dispositions s’appliqueront aux enregistrements internationaux désignant l’UE. Cela permettra de maintenir une protection au Royaume-Uni à compter de la date de sortie de l’UE pour l’ensemble des marques et dessins et modèles enregistrés sous les systèmes de Madrid et de La Hague et désignant l’Union européenne.
- les demandes de marques européennes ou de dessins et modèles communautaires qui seront pendantes à la date de sortie pourront être à nouveau déposées auprès de l’Office britannique de la Propriété intellectuelle en bénéficiant là encore d’un droit britannique équivalent, selon les mêmes modalités que celles précisées pour les marques et dessins et modèles enregistrés. Dans une période de 9 mois à compter de la date de sortie de l’UE, le Gouvernement britannique reconnaîtra les dates de dépôt, les revendications de priorité et les revendications d’anciennetés britanniques telles qu’inscrites sur les demandes européennes. Les titulaires de droits engageant cette démarche devront cependant supporter les coûts de redépôt de la demande conformément à la structure tarifaire définie par le Royaume-Uni.
- Le Gouvernement britannique s’assurera que tous les dessins et modèles communautaires non enregistrés qui existent à la date de sortie du Royaume-Uni continueront d’être protégés et opposables au Royaume-Uni pour leur période résiduelle de protection. D’autre part, le Royaume-Uni créera un nouveau droit britannique de dessin et modèle non enregistré dont les caractéristiques seront équivalentes au dessin et modèle communautaire non enregistré. Ainsi les dessins et modèles qui seront divulgués après la sortie du Royaume-Uni de l’UE seront également protégés au Royaume-Uni selon les conditions actuelles de protection du modèle communautaire non enregistré. Ce nouveau droit sera connu comme le droit supplémentaire de modèle non enregistré.
Nous nous tenons à votre disposition pour le cas où vous seriez titulaires de marques de l’Union européenne ou de marques internationales visant l’Union européenne, enregistrées ou non encore enregistrées, pour déterminer avec vous les modalités de protection à prévoir au Royaume-Uni à compter du 29 mars prochain.
Céline Cuvelier – Frédéric Fournier
Associés
B-Cube / Redlink