Dans un arrêt du 3 mai 2018 (RG n°16-27.926), la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle une nouvelle fois le traitement favorable dont doit bénéficier le contrat de franchise au regard du droit de la concurrence, compte tenu de son objet pro-économique et pro-concurrentiel.
L’affaire en l’espèce concernait un réseau de franchise dans le secteur de la grande distribution alimentaire. Un franchisé avait conclu un contrat de franchise stipulant un droit de première offre et de préférence au bénéfice du franchiseur, à égalité de prix et de conditions, en cas, notamment, de cession ou transfert des droits de propriété ou de jouissance sur le local du franchisé, ou de cession ou transfert des droits de propriété ou de jouissance, ou mise en location-gérance, du fonds de commerce de ce dernier.
Quelques semaines après avoir notifié sa volonté de résilier le contrat de franchise et moins de cinq jours avant la date effective de résiliation, le franchisé avait informé le franchiseur du prix et des conditions de la cession de son fonds de commerce qu’il avait consentie au profit du promoteur d’un réseau concurrent.
Le franchiseur avait assigné le franchisé afin qu’il lui soit interdit de vendre son fonds de commerce et ordonné de régulariser la vente à son profit et, dans l’hypothèse où la vente serait néanmoins intervenue au profit du promoteur du réseau concurrent, que soit ordonnée sa substitution de plein droit.
En cours d’instance, le franchisé avait régularisé la cession du fonds de commerce au profit du promoteur du réseau concurrent et faisait valoir la nullité du droit de préférence au regard du droit de la concurrence. En particulier, le franchisé soutenait (i) que les effets d’une clause de préférence sur le jeu de la concurrence devaient être appréciés in concreto, en considération de l’ensemble des clauses contractuelles insérées au contrat litigieux, dont notamment les clauses de non-concurrence et non-réaffiliation, et (ii) qu’en l’occurrence, la clause de préférence litigieuse, combinée aux autres clauses du contrat de franchise, notamment les clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence, restreignait artificiellement le jeu de la concurrence en créant une barrière à l’entrée sur le marché de détail de la distribution à dominante alimentaire.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel ayant considéré que le droit de préférence litigieux était compatible avec le droit de la concurrence, relevant que le franchisé :
- D’une part, avait pu bénéficier d’un partenariat commercial solide, justifiant que, par la clause, le franchiseur puisse sécuriser ses investissements pendant plusieurs années, en empêchant l’appropriation des effets commerciaux favorables de ce partenariat par un concurrent ;
- D’autre part, n’apportait aucun élément de nature à mesurer in concreto, à partir d’une analyse de marché et de données économiques, si la clause de préférence avait pour effet de restreindre artificiellement la concurrence.
Régis Pihéry Avocat Associé