Réforme du droit des contrats : adoption par le Sénat en deuxième lecture du projet de loi de ratification
Le 1er février, le Sénat a adopté en deuxième lecture le Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
De manière générale, ce dernier « a accepté de s’en remettre à la rédaction de l’Assemblée nationale lorsque celle-ci semblait être un compromis acceptable, par exemple en matière de nullité pour réticence dolosive et pour les délais des nouvelles actions interrogatoires », mais « a voulu réaffirmer la position déjà retenue en première lecture par le Sénat, en particulier sur la révision judiciaire pour imprévision, qui porte une atteinte disproportionnée au principe de la force obligatoire du contrat et altère gravement l’image du droit français, et sur la question de l’application de la réforme aux contrats antérieurs » (Commission des lois, rapport du 24 janvier 2018).
De manière particulière, le Sénat a entendu :
- Modifier la rédaction de l’article 1110 du Code civil définissant le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion :
« Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties. Le contrat d’adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties. » (en gras, les modifications).
Selon la Commission des lois du Sénat, il doit en résulter que : « le contrat d’adhésion est essentiellement imposé par l’une des parties à l’autre, même si certaines stipulations peuvent être négociables, de sorte qu’il peut receler des clauses abusives, tandis que le contrat de gré à gré est celui qui peut faire globalement l’objet d’une véritable négociation, même si quelques stipulations peuvent être considérées comme non négociables par l’une des parties » (Commission des lois, rapport du 24 janvier 2018).
- Supprimer, à l’article 1119 du Code civil, la définition des « conditions générales » retenue par l’Assemblée nationale en première lecture.
Selon la Commission des lois du Sénat, cette définition soulevait « de nouvelles difficultés sans régler de façon satisfaisante le débat sur la définition du contrat d’adhésion » (Commission des lois, rapport du 24 janvier 2018).
- Ajuster la rédaction de l’article 1171 du Code civil sanctionnant les déséquilibres significatifs dans les contrats d’adhésion :
« Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation. » (en gras, les ajouts).
Sur le champ d’application de ce dispositif, la Commission des lois du Sénat précise que : « en séance publique, le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale a présenté un amendement précisant que ce dispositif de sanction des clauses abusives ne pouvait pas être cumulé avec les dispositifs analogues prévus aux articles L. 442-6 du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation. La discussion de cet amendement, qui a finalement été retiré, a été l’occasion, pour la garde des sceaux, de préciser ce que votre commission avait déjà clairement énoncé en première lecture dans son rapport : ce dispositif instauré dans le droit commun des contrats n’a pas vocation à s’appliquer dans les champs déjà couverts par des droits spéciaux. Votre rapporteur ne peut que constater sur ce point la parfaite cohérence des travaux préparatoires de la ratification de l’ordonnance, de nature à éclairer sans ambiguïté le juge s’il est saisi de la question ».
- Rétablir la rédaction qu’il avait adoptée au titre de l’article 1195 sur le régime de l’imprévision, supprimant le pouvoir de révision du juge :
La Commission des lois du Sénat estime à nouveau que « la révision judiciaire du contrat porte une atteinte disproportionnée au principe de la force obligatoire du contrat ainsi qu’à celui de la liberté contractuelle, susceptible de soulever par ailleurs des difficultés d’ordre constitutionnel » (Commission des lois, rapport du 24 janvier 2018).
Le texte a été transmis à l’Assemblée nationale, en vue de son adoption par cette dernière en deuxième lecture.
Régis Pihéry Avocat Associé