Franchise : sur l’application de la clause pénale prévue en cas de résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé
En cas de résiliation du contrat de franchise du fait de fautes commises par le franchisé, le franchiseur est en principe en droit de solliciter le règlement d’une indemnité en réparation de ses préjudices. En vue d’assurer une certaine prévisibilité, très souvent, la règle de calcul du montant de cette indemnité est fixée dans le corps même du contrat.
La clause prévoyant une telle indemnité s’analyse en jurisprudence comme une clause pénale au sens de l’article 1231-5 nouveau du Code civil (art. 1152 et 1226 et s. anciens du Code civil), de sorte que le juge peut modérer ou augmenter son montant si celui-ci s’avère manifestement excessif ou dérisoire (cf. notamment, Cass. com., 15 mai 2012, n°11-15.573).
Dans deux affaires récentes (CA Paris, 8 nov. 2017, n°15/19976 ; CA Versailles, 21 nov. 2017, n°17/04574), des franchisés ayant été reconnus responsables de la résiliation de leur contrat de franchise sollicitaient sur ce fondement la modération du montant de l’indemnité de résiliation prévue contractuellement :
– Dans la première affaire, la clause litigieuse stipulait qu’« en cas de résiliation du contrat aux torts du franchisé, ce dernier devra acquitter à titre de dommages et intérêts forfaitairement évalués une somme égale aux royalties qui auraient dû être réglées au franchiseur si le contrat avait été exécuté jusqu’à son terme, ces royalties étant calculées sur la base de la dernière année du chiffre d’affaires réalisé par le franchisé ».
Au soutien de sa demande en réduction de l’indemnité, le franchisé prétendait que celle-ci était manifestement excessive, « le préjudice [du franchiseur] étant en réalité constitué d’une perte de chance d’obtenir le paiement des redevances, celle-ci ne pouvait être fixée à plus de 20% ».
La Cour d’appel de Versailles rejette cette prétention, considérant que « la seule affirmation du caractère « manifestement excessif » du forfait contractuel ne permet pas de caractériser l’excès, de sorte qu’il n’est pas possible de réduire le montant de la clause pénale qui sera ainsi fixée à la somme de 761 euros par mois (5% du chiffre d’affaires mensuel au cours de l’année 2013). Si le contrat avait été exécuté jusqu’à son terme, [le franchisé] aurait dû régler des royalties sur la période de juillet 2014 à juin 2015, soit durant 12 mois complémentaires. (…)
la créance [du franchiseur] au titre des dommages et intérêts du fait de la résiliation fautive et anticipée du contrat sera fixée à la somme de 9.132 euros (soit 761 euros x 12 mois) ».
Le franchisé est ainsi condamné à régler à son franchiseur une indemnité égale à la somme totale des redevances que ce dernier aurait dû percevoir jusqu’au terme normal du contrat.
– Dans la seconde affaire (CA Paris, 8 nov. 2017, n°15/19976), la clause d’indemnité prévoyait que « la partie aux torts de laquelle la résiliation aura été prononcée devra verser à son cocontractant une indemnité égale au double du montant estimatif des redevances qui auraient été payées [au franchiseur] jusqu’au terme normal du contrat ».
La Cour d’appel de Paris fait droit à la demande du franchisé en réduction de l’indemnité, estimant que : « dans le cas d’espèce, la disproportion manifeste de la clause pénale doit s’apprécier en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi. La perte subie par le franchiseur est constituée par les redevances qu’elle aurait pu percevoir jusqu’à la fin du contrat ; le contrat a été résilié le 9 mai 2012 alors que son terme était prévu au 1er janvier 2017, de sorte que le montant des redevances perdues s’établit à la somme totale de 28.850 euros. Le doublement de cette somme apparaît en conséquence manifestement excessif et l’indemnité doit être limitée à 10 % de cette somme, conformément à l’article précité ; en définitive, le préjudice [du franchiseur] doit être estimé à la somme de 31.735 euros. »
Le franchisé est ainsi condamné à régler à son franchiseur une indemnité égale à la somme totale des redevances que ce dernier aurait dû percevoir jusqu’au terme normal du contrat majorée de 10%.
Régis Pihery Avocat Associé