Dénonciation d’un harcèlement moral par le salarié : bien lire la lettre du salarié et apprécier la mauvaise foi
On sait que le salarié qui relate des agissements de harcèlement moral dans un courrier ne peut pas être licencié pour ce motif, à peine de nullité (C. trav., art. L. 1152-3), sauf mauvaise foi du salarié c’est-à-dire en cas de connaissance par ce dernier de la fausseté des faits qu’il dénonce.
Dans une décision du 13 septembre 2017 (15-23045 PB) la Cour de cassation indique que pour pouvoir revendiquer le bénéfice de cette protection il faut que le salarié ait expressément qualifié les faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation.
Les faits :
Le 13 janvier 2011, un cadre de direction avait adressé un courriel à son employeur, l’avisant de son souhait de l’informer de vive voix du « traitement abject, déstabilisant et profondément injuste » qu’il estimait subir.
Le salarié a été licencié pour faute grave le 22 février suivant pour avoir proféré des accusations diffamatoires et injustifiées, constitutives d’un abus de la liberté d’expression.
Le salarié a alors saisi la juridiction prud’homale sur le fondement de l’article L. 1152-3 du Code du travail, en vue d’obtenir l’annulation de ce licenciement fondé, selon lui, sur le fait d’avoir relaté des agissements de harcèlement moral.
Alors que la cour d’appel avait conclu à la nullité du licenciement au motif que le courriel de dénonciation visait implicitement des agissements de harcèlement moral, la Cour de cassation a censuré cette décision des juges du fond dans la mesure où « le salarié n’avait pas dénoncé des faits qualifiés par lui d’agissements de harcèlement moral ».
Conclusion : les dispositions frappant de nullité le licenciement ne bénéficient pas au salarié qui a dénoncé des faits sans référence littérale à la qualification juridique de harcèlement moral.
Un exemple d’accusation de harcèlement moral proférée de mauvaise foi ?
Non seulement la protection ne joue que si la mention « harcèlement moral » est visée dans la lettre mais il faut rappeler que cette protection tombe en cas de mauvaise foi.
Un exemple de mauvaise foi du salarié (Cour de cassation Chambre sociale – 28 Janvier 2015 – n° 13-22.378 – 2015-00112) :
Une salariée engagée en qualité d’employée d’exploitation a été licenciée pour faute grave pour accusations mensongères de harcèlement moral à l’encontre d’un supérieur hiérarchique.
La cour d’appel, qui a estimé que le harcèlement allégué n’était pas constitué, relève, pour retenir la faute grave de la salariée et rejeter ses demandes, que celle-ci a dénoncé à l’encontre de son supérieur hiérarchique :
- de façon réitérée,
- de multiples faits inexistants de harcèlement moral,
- ne reposant, pour la grande majorité d’entre eux, sur aucun élément,
- dont elle s’est d’ailleurs avérée incapable de préciser la teneur,
- s’en tenant à des accusations formulées pour la plupart en termes généraux.
Benjamin Louzier
Avocat Associé