Le premier président de la Cour d’appel est seul compétent pour ordonner une saisie-contrefaçon en cause d’appel
Un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 14 septembre 2010 (n° 09-16.854) vient préciser une règle de compétence juridictionnelle en matière de saisie-contrefaçon.
L’on sait que l’article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle confère au Président du Tribunal de grande instance compétence pour autoriser le titulaire d’une marque à procéder à une mesure de saisie-contrefaçon après avoir été saisi d’une telle demande sur requête. Le Code prévoit ensuite un délai pour assigner, faute de quoi la saisie est nulle (vingt jours ouvrables ou trente et un jours civils si ce délai est plus long).
Il faut rappeler à cet égard que le Tribunal compétent n’est plus, depuis 2008, celui dans le ressort duquel les opérations de saisie auront lieu mais exclusivement le Tribunal qui aura à connaître du fond de l’affaire.
Que se passe-t-il lorsqu’une saisie-contrefaçon doit être réalisée alors qu’une procédure au fond est déjà en cours ? Cette mesure probatoire est toujours possible, puisqu’au contraire de l’article 145 du Code de procédure civile qui concerne des mesures d’instructions « in futurum » (avant tout litige), l’article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle n’interdit pas le recours à une saisie-contrefaçon si les parties sont déjà en contentieux.
Dans ce cas, c’est le président de la chambre qui est saisie du litige qui est compétent pour ordonner la saisie, conformément à l’article 812 alinéa 3 du Code de procédure civile, qui dispose que « les requêtes afférentes à une instance en cours sont présentées au président de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée ou au juge déjà saisi ». Cette solution a été énoncée par un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 26 mars 2008 (pourvoi n° 05-19782).
La question se pose alors de savoir quel juge est compétent pour autoriser la saisie lorsque la procédure se trouve non plus en première instance mais en cause d’appel.
Dans l’affaire qui a été examinée par la Cour de cassation, le titulaire de la marque avait formulé sa demande sur requête auprès du premier président de la Cour d’appel. Cependant, le défendeur à la saisie avait sollicité la rétractation de l’ordonnance présidentielle, en soutenant que seul le Président de la chambre saisie du fond du litige serait compétent lorsqu’une procédure est en cours, y compris en appel.
La Cour d’appel, saisie du recours contre l’ordonnance ayant autorisé la rétractation, avait validé cette interprétation.
Cependant, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a censuré l’arrêt en énonçant que l’article 812 alinéa 3 du Code de procédure civile ne s’appliquait qu’aux procédures de première instance : « au cours de l’instance d’appel, le premier président est seul compétent pour ordonner sur requête une mesure de saisie-contrefaçon ».
Cette solution repose sur l’article 958 du Code de procédure civile, qui concerne la procédure devant la cour d’appel et selon lequel « Le premier président peut, au cours de l’instance d’appel, ordonner sur requête toutes mesures urgentes relatives à la sauvegarde des droits d’une partie ou d’un tiers lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.«
Cet article déroge donc à l’article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle. La solution, quoi que critiquable, a le mérite de la cohérence compte tenu de l’arrêt précité de 2008.
Il convient enfin de préciser que, lorsqu’une saisie-contrefaçon est réalisée en cours de procédure, l’existence d’une nouvelle assignation disparaît. Il convient alors de prendre des conclusions de régularisation de la procédure.
Matthieu Berguig
Avocat à la Cour