Pas de protection absolue pour la marque « Jeux Olympiques »
Un arrêt très intéressant rendu par la Cour d’appel de Paris le 7 mars 2008 est venu battre en brèche l’idée reçue selon laquelle les marques dont le Comité National Olympique et Sportif Français (« CNOSF ») est propriétaire en vertu du Code du sport bénéficieraient d’une protection absolue contre toute utilisation, à quelque titre que ce soit, par des tiers non autorisés.
L’affaire concernait la publication par la société Communication Presse Publication Diffusion (« CPPD »), au cours de l’été 2004, d’un numéro du magazine mensuel « Têtu » consacré au « Jeux Olympiques du Sexe ». Cette société d’édition avait, pour les besoins de ce numéro, utilisé diverses expressions comportant les marques du CNOSF, comme « les olympiades du sexe » ou « en attendant les véritables olympiades », etc. Le CNOSF avait considéré qu’il s’agissait d’un usage illicite de ses marques et se plaignait également d’actes de concurrence déloyale et parasitaire.
En première instance, le Tribunal avait rejeté l’action en contrefaçon de marques mais considéré que l’usage des couleurs de l’emblème olympique constituait une faute source de concurrence déloyale.
La Cour d’appel, pour sa part, est allée plus loin.
Dans un considérant de principe, elle a retenu que l’article L. 141-5 du Code du sport n’instaurait pas un régime de protection autonome, distinct de celui dont bénéficient les marques renommées ou notoirement connues. Ainsi, selon cet arrêt, « il ne saurait être soutenu que l’article L. 141-5 précité assure une protection absolue aux signes invoqués ».
Ce principe posé, il appartenait à la Cour de se déterminer sur le point de savoir si la société d’édition avait ou non commis des actes de contrefaçon. Ce n’est pas ce que le juge a estimé. L’arrêt est en effet particulièrement clair sur la possibilité pour un tiers, même dans le cadre de la vie des affaires, comme tel était le cas en l’espèce, d’utiliser une marque dans un contexte ludique et humoristique.
Par exemple, s’agissant de la marque « Olympiade », l’arrêt dispose que la société CPPD a mentionné ce terme « dans un contexte exclusif de préjudice en raison de la distance, du décalage que le lecteur perçoit immédiatement entre la marque « Olympiades » et les usages incriminés ». En d’autres termes, selon cette décision, l’humour excuse tout, et notamment excuse la contrefaçon.
Ce principe a été retenu également pour l’utilisation de la marque « Jeux Olympiques » puisque, selon la Cour, « le ton humoristique, non dénigrant et distancé, de l’emploi de [cette] marque n’est pas de nature à causer un préjudice au titulaire de droits – préjudice que le CNOSF se borne d’ailleurs à alléguer – et pas davantage à caractériser une exploitation injustifiée de cette dernière ».
La solution peut surprendre dès lors qu’il est communément admis que le droit de propriété intellectuelle est sanctionné par l’action en contrefaçon indépendamment même de l’existence d’un préjudice. La violation de ce droit suffit, en principe, à justifier l’allocation d’une indemnisation.
Après avoir écarté le grief de contrefaçon de marque, la Cour a également considéré que la société CPPD n’avait pas non plus porté atteinte à la dénomination du CNOSF puisque le simple usage du terme « olympique », « sans reprise aucune des autres éléments du nom [du CNOSF] ne s’avère en rien fautive, en l’absence d’imitation ou d’évocation de la dénomination dont la protection est revendiquée ».
Enfin, le CNOSF a également été débouté sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire : selon l’arrêt, démentant en cela l’analyse faite par les premiers juges, l’utilisation des couleurs des anneaux olympiques par la société CPPD ne constituait qu’un « clin d’oeil à partir d’une référence au rainbow flag, [drapeau de la communauté homosexuelle] ».
Pas plus le CNOSF ne pouvait-il, selon le juge, reprocher à la société CPPD de s’être rattachée à ses valeurs et à ses investissements dès lors que « le contexte de la reprise de ces références sportives, le ton décalé et l’humour qui la sous-tend préviennent la réalisation d’un préjudice que le CNOSF se borne d’ailleurs à alléguer sans en justifier ».
La solution est donc claire, même s’il s’agit, à l’évidence, d’une décision d’espèce dont les enseignements seront difficilement transposables à d’autres cas d’utilisation des marques du Comité Olympique.
Merci à Frédéric Glaize pour avoir signalé cette décision (www.pmdm.fr).
Matthieu Berguig