Covid 19 – Le risque pénal pour l’employeur est-il réel en pratique ?

  • L’employeur risque t’il des poursuites pour « mise en danger d’autrui » ?

C’est peu probable.

Selon l’article 223-1 du Code pénal :
« le fait d’ex poser directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ».

Le 31 mars 2020, la CGT a déposé plainte contre Amazon pour avoir refusé à 200 salariés d’exercer leur droit de retrait.

Cette plainte a été classée sans suite.

Effectivement le risque de sanction de l’employeur sur le fondement de ce texte est peu élevé car le protocole sanitaire n’est qu’une recommandation sans effet contraignant.

De plus,  l’article L. 3136-2 du Code de la santé publique, instauré par la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence, va inciter les juges et l’Inspection du travail à la plus grande clémence car pour l’application des dispositions du Code pénal relatives au manquement à une obligation de prudence ou de sécurité, il faut tenir compte :

« des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur ».
 

  • L’employeur risque t’il des poursuites pour «omission de porter secours » ?

C’est peu probable.

Selon l’article 223-6 du Code pénal : « le fait pour quiconque de s’abstenir volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ».

L’exemple pratique serait que les vitres en plexiglas protégeant les caissières n’auraient été mises en place que tardivement au sein d’un supermarché ou que le personnel n’a pas reçu de masques de protection.

Il faut démontrer que l’abstention est volontaire, ce qui rend l’infraction peu probable. Ici encore l’article L.3136-2 du Code de la Santé Publique pourra être utilisé.
 

  • L’employeur peut-il être poursuivi pour « homicide ou blessures involontaires » ?

Peu probable également.

Aucune poursuite n’est à ce jour engagée sur ce fondement dans la mesure où ces infractions requièrent la démonstration d’un lien de causalité certain entre l’absence de mesures de protection et la survenance de la maladie. Or, même en présence d’un cluster dans l’entreprise, il sera très difficile de prouver que le virus n’a pas pu être contracté en un autre lieu ou dans l’entourage du salarié.
 

  • L’employeur peut-il être poursuivi pour « non-respect des dispositions relatives aux équipements de protection individuelle (EPI) » :

C’est possible.

Le protocole sanitaire en entreprise a généralisé le port du masque dans les lieux collectifs depuis le 1er septembre 2020. Est-ce un EPI ? Ce n’est pas certain…

L’employeur encourt les sanctions prévues pour défaut de prévention des risques professionnels, en particulier celles fixées par l’article L. 4741-1 du Code du travail.

Selon ce texte, en cas de faute personnelle de l’employeur ou de son représentant, l’amende encourue est de 10 000 €, portée à 30 000 € en cas de récidive. Cette amende est appliquée autant de fois qu’il y a de travailleurs concernés, ce qui peut avoir un impact financier très lourd pour l’entreprise.

Mais il n’est pas certain que le seul défaut de fourniture de masques constitue une faute personnelle de l’employeur. Ce pourrait être le cas uniquement dans les entreprises de catégories 1 et 2 exposées au risque biologique du Sars-CoV2.
 

  • L’employeur peut-il être poursuivi pour « défaut de mise à jour du DUERP » ?

C’est possible.

L’employeur doit mettre à jour le DUERP ::

  • au moins chaque année ;
  • lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  • lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie.

Dans le cadre de la protection contre la Covid-19, le DUERP doit être régulièrement mis à jour au fur et à mesure de l’identification des risques et de l’évolution des connaissances.

À défaut, une amende de 1 500 € pour les personnes physiques et de 7 500 € pour la personne morale est encourue. Ces sommes sont doublées en cas de récidive. Par ailleurs, l’employeur s’expose à des poursuites pénales pour délit d’entrave si le DUERP n’est pas mis à disposition des représentants du personnel.
 

  • L’employeur peut-il être poursuivi pour « non-respect de l’obligation de prévention des risques biologiques » :

C’est possible mais pour peu d’entreprises.

La Covid-19 doit être considérée comme un agent biologique pathogène de groupe II.

Il découle de l’article R. 4421-1 du Code du travail que peuvent être considérés comme exposés au risque biologique :

  • les professionnels systématiquement exposés au risque de contamination du virus du fait de la nature de leur activité habituelle (exemple : professionnels de santé et de secours) ;
  • les travailleurs dont les fonctions les exposent à un risque spécifique quand bien même l’activité de leur entreprise n’impliquerait pas normalement l’utilisation délibérée d’un agent biologique. Cette situation peut notamment concerner les travailleurs des secteurs des soins, de l’aide à domicile ou des services à la personne, dès lors que leurs tâches impliquent des contacts de moins d’un mètre avec des personnes potentiellement contaminées (exemple : toilette, habillage, nourriture).

Par ailleurs, une fiche DGT du 14 septembre 2020 classe les entreprises en trois catégories :

  • entreprises de catégorie 1, dont l’activité implique l’utilisation délibérée d’agents biologiques (exemple : laboratoires) ;
  • entreprises de catégorie 2, dont l’activité n’implique pas l’utilisation délibérée d’un agent biologique, mais pour lesquelles l’évaluation des risques met en évidence un risque spécifique d’exposition au Sars-CoV-2 (exemple : établissements de soins, Ehpad, abattoirs, entreprises confrontées à un cluster) ;
  • entreprises de catégorie 3, dont l’évaluation des risques ne met pas en évidence un risque spécifique d’exposition au Sars-CoV-2 (exemple : activités tertiaires et industrielles sans lien avec le public).

Pour les entreprises de catégorie 1 et 2, le seul non-respect du port du masque constitue une infraction pénale pouvant être relevée par l’inspecteur du travail.

Pour celles de catégorie 3, la DGT renvoie à l’article R. 4422-1 du Code du travail, selon lequel « l’employeur prend des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire le risque biologique, conformément aux principes de prévention énoncés à l’article L. 4121-2 ». En cas de non-respect de ces mesures, la responsabilité pénale du chef d’entreprise pourra être engagée.

Benjamin Louzier
Avocat Associé