Distribution sélective – Internet : nouvelle sanction prononcée à l’encontre d’un fournisseur ayant interdit à ses distributeurs agréés de vendre ses produits sur internet

Aux termes d’une décision du 1er juillet 2019 (n° 19-D-14), l’Autorité de la concurrence sanctionne un fournisseur de cycles haut de gamme pour avoir mis en œuvre, entre 2007 et 2014, une entente illicite, contraire aux articles L. 420-1 du Code de commerce et  101 § 1 du Traité FUE, consistant à interdire à ses distributeurs agréés la vente des cycles de sa marque à partir d’Internet.

En l’occurrence, le fournisseur avait régularisé des contrats de distribution sélective avec plusieurs distributeurs et un contrat dit « concept store » avec un unique distributeur ne commercialisant que des cycles de la marque du fournisseur. Chacun de ces contrats obligeait les clients des différents distributeurs à venir récupérer leur produit acheté en ligne dans le magasin physique du distributeur.

Selon l’Autorité, cette obligation conduisait de facto à interdire la vente en ligne des produits du fournisseur, dans la mesure où en contraignant le consommateur à se rendre au-delà de la zone au sein de laquelle il est normalement prêt à se déplacer pour effectuer un achat, une telle obligation supprimait les avantages essentiels de la vente sur Internet.

L’Autorité relève également que d’autres stipulations contractuelles s’inscrivaient dans la même logique d’interdiction de la vente en ligne :

  • L’interdiction faite aux distributeurs de publier, sauf accord préalable, des publicités sur leur site Internet ou sur un site marchand ou de diffuser sur un site Internet des messages faisant usage des noms et logos qui étaient la propriété du fournisseur ;
  • L’interdiction faite aux distributeurs de placer des produits de la marque du fournisseur sur des sites d’enchères, des sites marchands et des sites de comparateurs de prix ; et
  • L’obligation faite aux distributeurs d’annoncer dans toute publicité que la livraison du produit ne pourra se faire que via le lieu déclaré au fournisseur.

Par ailleurs, l’Autorité :

  • Considère que cette interdiction allait au-delà de ce qui était nécessaire pour préserver notamment la sécurité des consommateurs et la haute technicité des cycles. À ce titre, elle relève que l’obligation de livraison en magasin n’était pas exigée par la réglementation, invoquée par le fournisseur, relative à la commercialisation des cycles applicable à l’époque des faits.

 

  • Souligne que la préservation d’un modèle économique à forte valeur ajoutée, fondé sur l’image de marque, la qualité du service et une relation personnalisée avec le client, aurait pu être atteinte autrement qu’en neutralisant le canal de distribution par Internet, notamment en imposant des obligations de service aux revendeurs, comme par exemple celle de fournir les conseils nécessaires pour bien choisir un vélo ou utiliser de manière optimale un cycle, via un service d’assistance spécialisé en ligne (« hotline » ou « live chat »).

 

  • Affirme qu’une restriction qui, comme celle concernée en l’espèce, réduisait la possibilité des distributeurs de vendre des produits hors de leur zone de chalandise physique et limitait le choix des clients désireux d’acheter sans se déplacer, revêtait un degré particulier de nocivité pour la concurrence et constituait, par conséquent, une restriction anticoncurrentielle par objet.

 

  • Estime que cette interdiction, d’une part, ne pouvait bénéficier du règlement d’exemption par catégorie applicable aux restrictions verticales, dans la mesure où elle s’apparentait à une restriction caractérisée des ventes passives et, d’autre part, ne remplissait pas les conditions requises pour l’octroi d’une exemption individuelle.

En conséquence, l’Autorité inflige une amende de 250 000 euros au fournisseur.

Régis Pihery
Avocat Associé