La présence de journalistes lors d’une perquisition constitue une violation du secret de l’instruction entrainant la nullité de l’acte

Alors que la tentative de perquisition dans les locaux de Mediapart vient de replacer dans le cœur de l’actualité la question de la liberté de la presse et du secret des sources, la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient de rendre un arrêt important quant à la validité d’une perquisition réalisée en présence de journalistes.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt rendu 9 janvier 2019 par la Chambre criminelle, des journalistes avaient filmé une perquisition réalisée au domicile du graffeur Oreak, mis en cause, notamment, pour avoir réalisé plus de 2000 graffitis sur les wagons de la ligne de RER E, au préjudice de la SNCF. Les images tournées avaient ensuite été diffusées sur une chaîne de télévision nationale.

Lors de sa comparution devant le tribunal correctionnel de Melun, le prévenu avait soulevé la nullité de la perquisition mais sa demande avait été rejetée, et la cour d’appel avait confirmé le jugement. Le jeune graffeur avait alors formé un pourvoi en cassation.

L’alinéa premier de l’article 11 du Code de procédure pénale dispose que « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète ».

Après avoir considéré que la violation du secret de l’instruction n’avait pas d’incidence sur la procédure, la chambre criminelle a jugé que cette violation pouvait avoir une incidence sur la nullité de l’acte dès lors que la violation concomitante causait un grief à celui qui l’invoquait (Crim. 19 juin 1995, n° 94-85.915, Bull crim n°223).

Néanmoins, la démonstration d’un tel grief n’était pas aisée dès lors que la violation n’était pas celle commise par un journaliste dans une diffusion postérieure à la perquisition mais celle résultant de l’autorisation donnée par les enquêteurs ou le magistrat, au moment même du déroulement de l’acte.

La chambre criminelle a alors modifié sa jurisprudence en jugeant qu’il résulte de l’article 11 du Code de procédure pénale que constitue une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction concomitante à l’accomplissement d’une perquisition, portant nécessairement atteinte aux intérêts de la personne qu’elle concerne, l’exécution d’un tel acte par un juge d’instruction ou un officier de police judiciaire en présence d’un tiers qui, ayant obtenu d’une autorité publique une autorisation à cette fin, en capte le déroulement par le son ou l’image. (Crim. 10 janvier 2017 n°16-84.740, Bull crim n°11)

L’arrêt de la Chambre criminelle du 9 janvier 2019 vient préciser que la présence au cours de l’exécution de cet acte, d’un tiers étranger à la procédure, ayant obtenu d’une autorité publique une autorisation à cette fin, fût-ce pour en relater le déroulement dans le but d’une information du public, constitue une violation du secret de l’instruction portant nécessairement atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne.

La chambre criminelle souligne par ailleurs que la captation ou l’enregistrement de la perquisition ne sont pas des conditions nécessaires pour que la violation du secret de l’instruction soit constituée. La simple présence d’un tiers étranger à l’enquête est suffisante pour l’établir et entraîner la nullité de l’acte.

Cet arrêt s’inscrit dans la lignée de l’arrêt rendu le 19 octobre 2018 par lequel le Conseil d’État avait rejeté la demande d’annulation de la circulaire de la Chancellerie du 27 juin 2017 (CRIM-PJ n° 2017-0063-A8 du 27 avril 2017) destinée à empêcher la présence de journalistes pendant les perquisitions au motif que les articles 11 et 56 du Code de procédure pénale, sur lesquelles est fondée la circulaire attaquée, ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté des journalistes garantie par l’article 10 de la CESDH.

Lien de l’arrêt commenté : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/3348_9_41076.html

Guillaume GOUACHON
Avocat au Barreau de Paris