Attention à toujours bien vérifier les constats d’huissier produits par vos adversaires

Aujourd’hui il n’y a plus de débat sur le fait que la production de constats d’huissier dans le cadre d’un litige doit respecter un certain nombre de règles strictes issues de la jurisprudence de la Cour de cassation rendue en la matière.

En particulier, conformément à la jurisprudence, l’intervention du commissaire de justice (anciennement « huissier de justice ») doit être la plus objective possible, ce qui se traduit notamment dans le fait qu’il doit se borner à des constatations purement matérielles. Il lui est donc strictement interdit de recourir à des stratagèmes dans le cadre de la réalisation de ses constats.

Un arrêt récent de la Cour d’appel de Toulouse illustre parfaitement ce principe (CA Toulouse, 27 juin 2023, n°22/01120).

Dans cet arrêt, les demandeurs à la liquidation d’une astreinte ont produit un constat d’huissier pour démontrer que le franchiseur offrait des produits à la vente depuis son site internet malgré l’interdiction qui lui avait été faite.

Le franchiseur s’est opposé à cette demande en soulevant la nullité du constat d’huissier en ce qu’il a été obtenu grâce à un stratagème déloyal. Le franchiseur a notamment invoqué le fait que, pour effectuer son constat, le commissaire de justice s’était fait assister par un tiers (à savoir le gardien de l’immeuble au sein duquel il a son étude) dans la perspective de réaliser un achat de produits sur le site internet du franchiseur au nom de ce tiers tout en omettant de mentionner sa qualité de commissaire de justice.

La Cour d’appel, après avoir rappelé le principe de loyauté des preuves déduit de l’article 9 du Code de procédure civile et de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, a prononcé la nullité du procès-verbal litigieux dans les termes suivants :

« Il est constant que l’huissier instrumentaire ne peut user de manœuvres déloyales et notamment d’une fausse qualité ou d’un stratagème pour recueillir une preuve et que le procès-verbal de constat établi dans ces conditions ne peut être retenu comme preuve.

En l’espèce, l’huissier est entré dans le site en libre accès de Y, ce qui est parfaitement licite puis a eu recours à un tiers pour engager un processus de commande de produits alors que l’huissier qui se livre à des achats de produits en ligne est tenu de respecter le principe de loyauté en mentionnant sa qualité d’huissier.

En l’espèce, l’huissier a lui-même ouvert le site Y a donc eu une démarche active matérialisée par la demande faite au concierge de son immeuble, M. X, de s’installer derrière l’ordinateur de l’étude dans le but d’initier une commande alors qu’il n’est pas prétendu que M. X avait effectivement l’intention d’acheter un produit sur ce site.

Ainsi, l’huissier ne s’est pas borné à des constatations purement matérielles mais a outrepassé les pouvoirs qui lui sont donnés par l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945, justifiant l’annulation du constat par infirmation du jugement déféré ».

Le constat d’huissier constituant la seule preuve fournie au soutien de la demande de liquidation de l’astreinte, la nullité de ce constat a nécessairement entrainé l’infirmation du jugement attaqué et le rejet de l’ensemble de cette demande.

Cet arrêt illustre une fois de plus l’importance de toujours veiller à ce que les constats d’huissier versés aux débats ne procèdent pas de stratagèmes pouvant les fragiliser, au vu des effets domino que leur nullité est susceptible d’entraîner.

Régis PIHERY & Ron SHALIT

PLU bioclimatique de Paris : les nouvelles restrictions en matière de meublés touristiques

Le projet de PLU bioclimatique adopté par le conseil de Paris le 5 juin 2023 renforce les contraintes à l’encontre des loueurs de meublés touristiques.

Pour rappel, la réglementation en vigueur prévoit que :

  • Les locaux à usage d’habitation occupés à titre de résidences principales peuvent être loués dans la limite de 120 jours par an et sous réserve du dépôt de la déclaration de meublé de tourisme en ligne.
  • Au-delà de ces 120 jours par an et pour tous les logements ne constituant pas la résidence principale du loueur, ce dernier doit obtenir une autorisation de changement d’usage avec compensation.

Le projet de PLU bioclimatique renforce la règlementation des locations de meublés touristiques en réglementant davantage le changement de destination, lequel est visé par « autres hébergements touristiques ».

1- La création d’un secteur d’encadrement des hébergements touristiques

Le projet de PLU bioclimatique prévoit de constituer un « secteur d’encadrement des hébergements touristiques » au sein duquel seront totalement interdits la création de meublés touristiques :

1.1- Que dit la règle ?

« UG.1.3.3 – Autres hébergements touristiques

(…)

Dans le secteur d’encadrement des hébergements touristiques délimité aux documents graphiques du règlement, la création de locaux relevant de la sous-destination* Autres hébergements touristiques est interdite. »

Au sein de ce secteur, délimité aux plans « équilibres et destinations » du nouveau PLU, les hébergements touristiques sont interdits, quel que soit le projet (construction, extension, changement de destination) et quelle que soit la destination du local (habitation, bureau, commerce).

Il s’agit donc d’une interdiction générale applicable à tout le périmètre.

1.2 – Comment est défini le périmètre ?

Ce secteur couvre en particulier les arrondissements 1 à 11 et une partie du 18ème arrondissement (secteur de Montmartre).

Pour visualiser le au secteur d’interdiction des hébergements touristiques :

https://plubioclimatique.paris.fr/projet/pages/cartesGenerales.html

Les investisseurs de meublés touristiques professionnels devront désormais rechercher des locaux en dehors de ce périmètre, soit dans le 12, 13, 14, 15, 16, 17 et une partie du 18ème arrondissement.

Toutefois, là encore, la création d’hébergements touristiques pourra être contrariée par une condition supplémentaire pour les immeubles en zone UG comportant de l’habitation.

2- L’interdiction totale de créer des hébergements touristiques sur les terrains comportant de l’habitation

2.1- Que dit la règle :

« UG.1.3.3 – Autres hébergements touristiques

Sur les terrains* comportant des locaux relevant de la destination* Habitation, sont interdits :

· les constructions neuves, extensions* et surélévations* relevant de la sous-destination* Autres hébergements touristiques ;

· le changement de sous-destination* des locaux relevant de la sous-destination* Bureau vers la sous-destination* Autres hébergements touristiques. »

Sur les terrains comportant des locaux d’habitation, les hébergements touristiques seront encadrés de la façon suivante :

  • Interdiction totale pour les projets de constructions neuves, d’extensions et de surélévations des locaux d’hébergements touristiques existants ;
  • Interdiction de transformer des bureaux en hébergements touristiques.

2.2- Le changement de destination n’est pas interdit

En conclusion, en dehors du périmètre d’interdiction totale des hébergements touristiques (§1), les hébergements touristiques pourront être réalisés par changement de destination, y compris au sein d’immeuble comportant de l’habitation, sur des locaux autres que les bureaux.

Par conséquent, et sous réserves des dispositions applicables à la protection du commerce, les hébergements touristiques par changement de destination pourront se poursuivre sur des locaux relevant des autres sous-destinations et notamment celles de « artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s’effectue l’accueil d’une clientèle ».

3- Les hébergements touristiques existants sont-ils concernés par ces restrictions ?

Les hébergements touristiques existants, y compris ceux inclus dans le « secteur d’encadrement des hébergements touristiques » ne seront pas remis en cause par ces nouvelles dispositions et pourront continuer à être exploiter normalement.

Toutefois, sur les terrains comportant des locaux d’habitation, ils ne pourront pas faire l’objet de travaux d’extension ou de surélévation.

Ombeline Soulier Dugénie
Avocate à la Cour, Associée
Redlink

Pratiques anticoncurrentielles

Pratiques anticoncurrentielles: Restrictions horizontales (Comm. UE, règl. (UE) 2023/1067, 1″ juin 2023: JOUE n° L 143, 2juin 2023, Comm. UE, communiqué n° IP/23/2990, 1er juin 2023) :

Le 1er juin 2023, la Commission européenne a édicté un nouveau règlement d’exemption par catégorie (REC) applicables aux accords de spécialisation et des lignes directrices sur les restrictions horizontales, à savoir les accords, décisions ou pratiques concertées entre concurrents.

Sont légalementv exemptés les pratiques contribuant à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique et réserver aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, n’imposant aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, ni donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence.

La nouveauté réside notamment dans l’ajout de nouveaux critères comme la question des « accords de durabilité » :  les règles applicables aux pratiques anticoncurrentielles permettent les accords entre concurrents qui poursuivent un objectif de développement durable.

La question des accords d’achat est aussi actualisée, en précisant la distinction entre achats groupés et ententes entre acheteurs. Les achats groupés englobent s’étendent les accords où les acheteurs négocient conjointement des conditions d’achat, mais achètent de manière indépendante.

Voir : https://competition-policy.ec.europa.eu/document/fd641c1e-7415-4e60-ac21-7ab3e72045d2_en

Frédéric Fournier

Avocat Associé

Redlink

Agent immobilier : agent commercial ?

Le 19 mai 2023, la Cour de Cassation (Com., n° 21-23.533) se prononçait sur un litige opposant un commercialisateur de programmes immobiliers à deux banques, avec la mission pour le promoteur de vendre des biens immobiliers à des clients que les banques lui adressaient.


Sur le statut, la Cour rappelle les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 qui fait bénéficier l’agent immobilier du statut protecteur d’agent commercial.

Cependant, elle casse l’arrêt d’appel qui a admis le droit à indemnité compensatrice du préjudice subi au profit du commercialisateur, pour n’avoir pas recherché les conditions de fait dans lesquelles le commercialisateur exerçait effectivement son activité, au regard de la définition classique de la mission d’agent commercial.

Frédéric Fournier

Avocat Associé Redlink

Agence commerciale : des questions de qualifications du contrat, toujours : Absence de négociation et conclusion de contrats

La Cour d’appel de Rennes (3ème Chambre Commerciale, 2 mai 2023, n°21/01627) a décidé, dans un litige opposant un fabricant de dispositifs médicaux et son agent en juillet 2012 non renouvelé par le mandant, que le contrat et avenants passés entre les parties ne constituaient pas un contrat d’agent commercial. L’agent est débouté de sa demande d’indemnité compensatrice du préjudice subi.


En effet, si les contrat et avenants avaient pour titre « mandat d’agent pour le développement marketing, commercial, partenarial et corporate », est défini comme un contrat d’agent commercial à plusieurs reprises et comporte en préambule la mention que « l’objectif assigné à [l’agent] est de préparer, organiser, suivre, négocier, voir conclure la vente de produits, services et/ou de licences, la conclusion d’accords commerciaux et/ou de partenariats pour le compte [du mandant]. », l’objectif principal mais non limitatif du mandat étant de « préparer, organiser, structurer, solliciter, suivre, négocier et assister à la conclusion de la vente de tous produits et services et/ou de tous accords et/ou tous partenariats et/ou toutes collaborations et/ou tous investissements sous toutes formes, afin de permettre le développement corporate, commercial et partenarial [du mandant] ».


La Cour rappelle le principe maintenant établi que « le statut d’agent commercial, d’ordre public, ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans un contrat ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais de la mission effectivement donnée au mandataire et de ses conditions d’exécution ».


Prenant en considération que :

  • les objectifs susvisés « étaient beaucoup plus larges que la simple négociation ou conclusion de contrats », que le mandant attendait « une assistance sur « les aspects opérationnels, stratégiques,et financier au niveau mondial dans la prospection, la recherche, le suivi et la négociation de partenaires, de clients » » ;
  • le mandant demandait une prestation de conseil ;
  • le mandant n’avait pas de produit fini dans certains pays en l’absence d’AMM, à vendre dans la mesure où son procédé ZENEO ne bénéficiait pas des autorisations de mise sur le marché délivrée par les autorités sanitaires des différents pays où elle souhaitait le commercialiser ;
  • le mandataire « recherchait des partenaires (…) susceptibles de croire » dans son produit, « afin de pouvoir effectuer toutes recherches nécessaires, en collaboration avec [le mandant], pour aboutir à un produit fini qui serait l’application du procédé » technique ;
  • « la rémunération était majoritairement forfaitaire , fixe et garantie, donc indépendante des résultats de l’exécution de son mandat »,


le contrat ne pouvait constituer un mandat d’agent commercial mais une mission de conseil, d’assistance, de recherche de partenaires commerciaux mais aussi d’investisseurs, avec une liberté dans ses méthodes et des pouvoirs de négociation s’apparentant à ceux de la direction commerciale d’une entreprise.

Frédéric Fournier

Avocat Associé

PLU bioclimatique de Paris : quelles sont les nouvelles contraintes en matière de logements sociaux pour les propriétaires ?

Après 3 ans de concertation, le conseil de Paris a adopté le 5 juin 2023 le projet de plan local d’urbanisme bioclimatique.

Le nouveau PLU renforce les obligations des propriétaires en matière de création de logements sociaux.

1- Le renforcement du « pastillage » 

La Ville entend recourir massivement au dispositif du pastillage déjà existant, lequel vise à créer une servitude de mixité sociale sur certains immeubles et parcelles, obligeant les propriétaires à affecter une partie des surfaces en logements sociaux.

611 nouvelles parcelles sont ainsi concernées et seront grevées de cette servitude de mixité sociale, portant ainsi à 1000 le nombre d’emplacements réservés.

En parallèle, le PLU bioclimatique prévoit l’abaissement du seuil de 800 m² d’obligation de logements sociaux à 500 m² pour les projets de restructuration d’immeuble dans les secteurs déficitaires.

2- Quelles contraintes pour les propriétaires ?

En cas construction neuve ou de travaux de restructuration lourde ou de changement de destination des locaux entrant dans le champ d’application du permis de construire ou de la déclaration préalable, une partie de la surface de l’immeuble devra être affectée en logements sociaux.

Pour les immeubles pastillés :

Ces contraintes concernent tous types d’immeubles (habitations, bureaux …).

Pour les immeubles non pastillés mais relevant du seuil de 500 m² :

L’affectation de surfaces en logements sociaux s’appliquent en cas de création de surfaces d’habitation.

Toute demande d’autorisation d’urbanisme ne prévoyant pas l’affectation d’une partie des surfaces, dont les proportions seront fixées au PLU, à la création de logements sociaux se verra refusée.

3- Quels sont les droits des propriétaires dont l’immeuble a été pastillé ?

Les propriétaires pourront exercer le droit de délaissement. Cette procédure consiste à mettre en demeure la ville d’acquérir leur bien au prix de marché, sans tenir compte de la dévaluation induite par le pastillage.

A défaut d’accord amiable sur le prix de vente du bien, le juge de l’expropriation peut être saisi par le propriétaire ou la collectivité pour procéder à la fixation judiciaire du prix.

La procédure de délaissement est une procédure longue ; la Ville dispose en effet d’un délai d’un an pour répondre à la mise en demeure d’acquérir.

Les propriétaires concernés par ce nouveau pastillage pourront également faire valoir leurs observations dans le cadre de l’enquête publique qui s’ouvrira en début 2024. Le PLU bioclimatique devrait être définitivement arrêté fin 2024.

Ombeline Soulier Dugénie
Avocate à la Cour, Associée
Redlink

« welcome bonus », prime d’arrivée, rachat de bonus, etc. : le salarié doit les rembourser en cas de démission !

Dans une importante décision du mai 2023 (Pourvoi nº 21-25.136) la Cour de cassation valide l’usage dans certaines sociétés (banque notamment) qui consiste à verser un bonus au salarié à son arrivée mais dont l’acquisition définitive est subordonnée à l’absence de démission au cours d’une période donnée (souvent 2 ou 3 ans). En cas de démission avant la date prévue le salarié doit rembourser le bonus au prorata du temps restant.

  1. Les faits

Un salarié est engagé le 1er janvier 2016 comme trader.

Son contrat de travail prévoyait le versement, dans les 30 jours de son entrée en fonction, d’une prime initiale d’un montant de 150 000 €, à rembourser partiellement dans l’éventualité d’une démission dans les 36 mois de la prise de fonction. Le 16 mars 2017, l’intéressé démissionne et refuse de rembourser.

La Cour d’appel de Paris lui a donné raison, invalidant la clause considérant qu’elle portait atteinte à la liberté du travail du salarié.

  1. La décision

La Cour de cassation a censuré la cour d’appel au visa des textes relatifs à la prohibition des atteintes disproportionnées et injustifiées aux droits et libertés individuelles (C. trav., art. L. 1121-1) et à l’exécution de bonne foi du contrat de travail (C. trav., art. L. 1221-1 ; C. civ., art. 1134).

Selon la Cour de cassation :

 « la clause convenue entre les parties, dont l’objet est de fidéliser le salarié dont l’employeur souhaite s’assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée, indépendante de la rémunération de l’activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise avant l’échéance prévue ».

L’employeur était donc fondé à demander le remboursement d’une partie de la prime au salarié ayant démissionné avant le terme du délai de trois ans.

  1. Attention à la rédaction de la clause

La Cour de cassation prend soin de préciser, dans sa solution, que la prime en question est « indépendante de la rémunération de l’activité du salarié ».

Attention à la rédaction de la clause qui doit donc être détachée de l’activité du salarié et viser la simple fidélisation du salarié.

En effet, dans le cas contraire, la solution aurait été différente car la Cour de cassation juge que « si l’ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement » (Cass. soc., 29 sept. 2021, nº 13-25.549 D).

Par Benjamin LOUZIER

Franchise et Pratiques restrictives de concurrence : Bilan de la jurisprudence par la Faculté de droit de Montpellier

Chaque année, la Faculté de droit de Montpellier établit un bilan de décisions – publiées ou inédites – rendues dans le cadre de contentieux opposant des opérateurs économiques sur le fondement des règles relatives aux pratiques restrictives de concurrence et à la transparence tarifaire (Titre IV du Livre IV du Code de commerce).

Le dernier bilan, portant sur l’année 2022, vient tout juste d’être publié sur le site de la Commission d’examen des pratiques commerciales (https://www.economie.gouv.fr/cepc).

Les principales décisions relevées en matière de franchise par la Faculté de droit de Montpellier sont recensées dans le tableau ci-après :

Références de la décisionDispositif invoqué par le franchiséClause ou pratique contestéeSolution
CA Paris, 26 janvier 2022, n° 19/18768 et 19/18769Art. L. 442-6, I, 2° C.com. (ancien) : Soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif  Clauses de référencement (avec taux de commission) et de paiement des fournisseurs (avec mandat de paiement)Rejet de la demande du franchisé : « l’élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l’absence de négociation effective » ; « il ne peut être inféré du seul contenu des clauses, la caractérisation de la soumission ou tentative de soumission exigée par le législateur. Or l’appelant, qui qualifie les deux clauses litigieuses du contrat de franchise de déséquilibre significatif, n’apporte aucun élément de contexte sur les conditions de sa négociation ni ne justifie avoir tenté en sa qualité de gérant de la société [franchisée] de faire supprimer les clauses critiquées. Il succombe donc à la charge de la preuve qui lui incombe et sa demande tendant à voir annuler les clauses [litigieuses] »
Com., 16 mars 2022, n° 19-17.875Art. L. 442-6, I, 2° C.com. (ancien) : Soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif  Clause de prix de vente du fonds de commerce du franchiseur au franchiséRejet de la demande du franchisé : « l’arrêt retient que le prix de vente du fonds de commerce résulte de la libre négociation des parties. Par ce seul motif, faisant ressortir l’absence de soumission ou de tentative de soumission dans l’opération en cause, c’est à juste titre que la cour d’appel, faute de caractérisation de la condition de soumission, a décidé que la responsabilité de [l’enseigne] ne pouvait pas être engagée sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce »
CA Paris, 2 mars 2022, n° 20/09320Art. L. 442-6, I, 5° C.com. (ancien) : Rupture brutale de relation commerciale établie  Rupture par le franchiseur des relations avec son franchisé moyennant un préavis considéré comme insuffisantRejet de la demande du franchisé : Lorsque deux relations commerciales existent concomitamment entre un fournisseur et son master franchisé et entre ce dernier et un distributeur et qu’elles prennent fin pour qu’une troisième relation se noue entre le fournisseur et le distributeur, ce dernier ne peut pas faire remonter le point de départ de cette nouvelle relation au jour de celui de la relation qu’il entretenait avec le master franchisé. L’absence de reprise de l’ancienne relation est motivée par le fait que le fournisseur et le master franchisé soient deux entités juridiques distinctes et que le nouveau contrat conclu entre le fournisseur et le distributeur, bien qu’ayant le même objet (distribuer les produits du fournisseur) que celui qui existait entre distributeur et le master franchisé, n’évoque nullement une volonté de reprise de la relation.
CA Paris, 12 janvier 2022, n° 17/14189Art. L. 442-6, I, 6° C.com. (ancien) : Violation d’un réseau de distribution sélective ou exclusive  Ventes parallèles de véhicules automobilesAccueil de la demande de la tête de réseau : Le concédant tête de réseau démontre qu’un vendeur de véhicules qui s’était approvisionné dans l’UE auprès de distributeurs agréés d’une marque française et auprès d’autres sociétés intermédiaires européennes avait conscience d’un approvisionnement illicite, dès lors qu’il s’agissait d’un professionnel de l’automobile et qu’il faisait partie du réseau de réparateurs agréés de ladite marque depuis plusieurs années. Le dirigeant de cette société ne pouvait ignorer qu’il existait sur le marché UE un réseau de distribution sélective sous la marque pour les ventes de véhicules neufs ou immatriculés depuis moins de trois mois. Le vendeur a ainsi participé en connaissance de cause à la violation du réseau de distribution sélective des véhicules de cette marque au sens de l’article L. 442- 6, I, 6° c. ancien com

Par Régis PIHERY

DARK STORES / DARK KITCHENS: LA NOUVELLE REGLEMENTATION

« Les dark stores qui n’ont pas demandé à la mairie de changement de destination devront fermer », avait déclaré Olivier Klein, Ministre chargé de la Ville et du Logement, le 6 septembre dernier, annonçant par la même occasion l’adoption de nouveaux textes réglementaires pour encadrer la pratique des dark stores (article du 9 septembre 2022).

La nouvelle réglementation annoncée est parue au Journal Officiel du 24 mars 2023 par la publication de deux textes.

Par un décret du 22 mars 2023 et un arrêté du même jour, le Ministre est venu redéfinir les destinations et sous-destinations des constructions dont la nomenclature figure à l’article R. 151-28 du Code de l’urbanisme.

1- Les dark-stores relèvent de la sous-destination des entrepôts

La sous-destination « entrepôt » est modifiée pour intégrer les dark stores. Les entrepôts constituent donc « les constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l’entreposage des biens sans surface de vente, les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d’achats au détail commandés par voie télématique, ainsi que les locaux hébergeant les centres de données ».

La sous-destination de restaurant est précisée, pour marquer sa distinction avec les dark stores, comme « les constructions destinées à la restauration sur place ou à emporter avec accueil d’une clientèle ».

Par conséquent, les dark stores sont des entrepôts dès lors qu’aucun espace n’est affecté à la clientèle, que ce soit pour effectuer, régler ou retirer ses achats – le retrait n’étant admis que pour les livreurs.

2- Les dark-kitchens constituent une nouvelle sous-destination

Une nouvelle sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » est créée à compter du 1er juillet 2023 afin de réglementer les dark kitchens, lesquelles constituent des locaux destinés à la seule préparation de repas, c’est-à-dire sans relation commerciale directe entre le restaurateur et le client. Jusqu’alors, les dark kitchens relevaient de la sous-destination « artisanat et commerce de détail ».

Cela implique donc que :

  • les dark kitchens installées avant le 1er juillet 2023 pourront continuer d’exploiter leurs activités sans risque de mise en conformité ;
  • à compter du 1er juillet 2023, les dark kitchens relèveront de la destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire » qui regroupe : industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d’exposition, cuisine dédiée à la vente en ligne. Par conséquent, si les locaux ne relèvent pas d’une des sous-destinations « industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d’exposition, cuisine dédiée à la vente en ligne », les exploitants de dark kitchens devront alors solliciter une autorisation de changement de destination avant toute transformation du local.

Ombeline Soulier Dugénie
Avocate à la Cour, Associée
Redlink


Décret n° 2023-195 du 22 mars 2023 portant diverses mesures relatives aux destinations et sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu.

Arrêté du 22 mars 2023 modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu.

Société d'avocats