Sommes payées par erreur ou indues : le salarié doit les rembourser !

Dans un arrêt récent (Cass. soc., 8 nov. 2023, nº 22-10.384 F-D), la Cour de cassation rappelle que ce qui a été payé indûment est sujet à répétition.

  1. Les faits

Dans cette affaire, une salariée avait utilisé la carte carburant fournie par son entreprise durant ses congés, alors que celle-ci n’était supposée couvrir que les dépenses réalisées à des fins professionnelles.

Elle a été licenciée pour faute grave.

L’employeur, souhaitant obtenir le remboursement des frais engagés par la salariée à titre personnel, avait alors formé, une demande en répétition de l’indu. Ce principe impose en effet à celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû de le restituer à celui l’ayant indûment payé (C. civ., art. 1302-1). La cour d’appel l’a débouté de sa demande, estimant que les règles d’utilisation de la carte n’ayant pas été communiquées à la salariée.

Les juges du fond estimaient donc que cette « faute » de l’employeur empêchait le remboursement par le salarié des sommes indûment perçues.

Mais cette analyse ne convainc par la Cour de cassation.

  1. La décision

La Cour de cassation rappelle que « ce qui a été payé indûment est sujet à répétition » et que « l’absence de faute de celui qui a payé ne constitue pas une condition de mise en œuvre de l’action en répétition de l’indu ». Il importait donc peu, en l’espèce, que l’employeur ait omis de notifier les conditions d’utilisation de la carte. Cela n’était pas de nature à exonérer la salariée de son obligation de restituer les sommes, et ce, même si elles ont été reçues par erreur, et même si elle ignorait leur caractère indu.

Conclusion : vous pouvez demander au salarié de rembourser ce qu’il a indument perçu, que ce soit des frais professionnels ou même des avances sur commissions non justifiées.

Par Benjamin LOUZIER

Congés payés/maladie : un nouvel argument important pour s’opposer aux demandes des salariés !

On sait que le 13 septembre 2023 la Cour de cassation a décidé d’écarter les dispositions du Code du travail. Alors même que le Code du travail subordonnent l’acquisition des congés payés à la réalisation d’un travail effectif (C. trav., art. L. 3141-3), la Cour de cassation a jugé que le salarié en arrêt maladie, qui ne fournit pourtant aucun travail effectif pendant cette période, devait acquérir des congés payés (Cass. soc., 13 sept. 2023 no 22-17.340 FP-B + R).

En plus de nos précédentes actualités, voici un nouvel argument pour contrer les demandes des salariés en poste ou ayant quitté la société.

  1. Invoquer une perte des congés payés non pris dans les 15 mois de leur acquisition

Ceci est issu d’un arrêt de la CJUE du 9 novembre 2023 : les juges européens qui ont consacré un droit au report pour le salarié malade, autorisent une limite temporelle à ce report.

La CJUE juge que la directive européenne   2003/88 « ne s’oppose pas à une législation nationale et/ou pratique nationale qui, en l’absence de disposition nationale prévoyant une limite temporelle expresse au report de droits à congé annuel payé acquis et non exercés en raison d’un arrêt de travail pour maladie de longue durée, permet de faire droit à des demandes de congé annuel payé introduites par un travailleur moins de 15 mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à deux périodes de référence consécutives ».

Le Conseil d’État a d’ailleurs rendu l’avis suivant : « En l’absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant ainsi une période de report des congés payés qu’un agent s’est trouvé, du fait d’un congé maladie, dans l’impossibilité de prendre au cours d’une année civile donnée, le juge peut en principe considérer, afin d’assurer le respect des dispositions de la directive 2003/88/ CE du 4 novembre 2003, que ces congés peuvent être pris au cours d’une période de 15 mois après le terme de cette année. La Cour de Justice de l’Union européenne a en effet jugé, dans son arrêt C-214/10 du 22 novembre 2011, qu’une telle durée de 15 mois, substantiellement supérieure à la durée de la période annuelle au cours de laquelle le droit peut être exercé, est compatible avec les dispositions de l’article 7 de la directive. » (Avis no 406009, 26 avr. 2017)

Autrement dit, le Conseil d’État confirme que l’absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant une période de report des congés payés ne prive pas pour autant le juge à considérer que l’employeur est fondé à lui opposer un délai maximal de 15 mois compte tenu de la position prise par la CJUE dans l’arrêt Schulte.

Conclusion : en cas de litige il faut demander aux juges d’appliquer cette jurisprudence sur la limite temporelle de 15 mois du report, ce pour chaque période de référence concernée.

  1. Invoquer le droit à congés de 4 semaines et non 5

Les décisions prises par la CJUE sur les congés payés des salariés en arrêt maladie concernent uniquement les quatre semaines de congés payés prévues par le droit de l’Union (CJUE, 19 nov. 2019, nos C-609/17 et C-610/17).

Le Conseil d’État est dans le même sens dans l’avis précité du 26 avril 2017, il avait en effet précisé que « ce droit au report s’exerce, en l’absence de dispositions, sur ce point également, dans le droit national, dans la limite de quatre semaines prévue par cet article 7 ».

REDLINK NEWS – Comment contester une demande de rappel de congés payés liée à la maladie ?

On sait que par trois arrêts du 13 septembre 2023 (22-17.340 ; 22-17.638 ; 22-10.529) les salariés malades ou accidentés auraient droit à des congés payés sur leur période d’absence.
 
Les salariés en poste ou ayant quitté la société commencent à écrire aux employeurs pour demander le paiement de congés payés sur ce fondement.
 
Quels sont les arguments pour s’opposer à ces demandes ?
 
Les voici :

·         la loi française n’est pas modifiée à ce jour et l’article L.3141-3 du Code du travail subordonne l’acquisition de congés payés à un travail effectif.

·         les décisions de justice ne valent qu’entre les parties et ne sont pas opposables aux autres : l’article 5 du Code civil interdit les arrêts de règlement.

·         Concernant la Charte des droits fondamentaux qui est souvent citée, l’article 31 § 2 de la Charte indique que : « Tout travailleur a droit à (…)une période annuelle de congés payés » et l’article 52 de ladite Charte intitulé « Portée des droits garantis » indique que « toute limitation(…) doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées (…). »

 
La limitation prévue par l’article L.3141-3 du Code du travail est donc parfaitement légale et valable.
 

·         la Directive Européenne 2003/88 du 4 novembre 2003 qui est souvent citée prévoit en son article 7 le bénéfice de ce droit à congé « conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ ou pratiques nationales ». Cette Directive n’est pas directement applicable en droit interne et ne peut donc pas être invoquée devant les juridictions françaises (cf notamment CA Paris, pôle 6, ch. 4, 9 févr. 2022, no 19/05052).

·         le sujet est depuis « en cours d’instruction » par le gouvernement. Il faut donc attendre les dispositions qui vont être prises au niveau national pour les appliquer.

·         Un salarié en poste ne peut pas demander le paiement d’une indemnité de congés payés.

Pour la suite, comment éviter le cumul de congés payés d’année en année pour des salariés malades ?

Dans un arrêt du 9 novembre 2023 (C-271/22) la CJUE vient d’indiquer que les États membres peuvent prévoir une limitation du droit au report des congés payés dans la limite de 15 mois pour les arrêts maladie de longue durée.

Il faut donc instaurer cette règle dans les entreprises (par accord collectif par exemple).

Conseil pratique en cas de négociation d’une transaction : bien lister les congés payés qui seront payés au terme du préavis pour éviter une demande complémentaire après la signature de la transaction concernant un reliquat de congés payés liés à la maladie et dire que le salarié renonce à toute demande en ce sens.




Benjamin LOUZIER 
Avocat Associé
Redlink

A quand la réglementation « zéro artificialisation » des sols ?

A l’occasion de deux recours portés par l’Association des maires de France, le Conseil d’Etat a partiellement censuré un décret d’application de la loi Climat et résilience de 2021, dont l’objectif est d’interdire la conversion des espaces naturels, agricoles ou forestiers en espaces urbanisés (zéro artificialisation nette (ZAN)) en France à l’horizon 2050 (CE, 4 oct. 2023, n°465341).

En se référant à la simple notion de « polygones », sans donner de précisions suffisantes sur la manière dont ceux-ci seraient déterminés et appliqués, le décret ne définit pas « l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme ».

Deux nouveaux décrets de mise en œuvre du « zéro artificialisation nette » devraient intervenir fin octobre pour corriger l’irrégularité censuré par le Conseil d’Etat.

Les porteurs de projet immobilier ont donc intérêt à déposer leur demande de permis de construire sans tarder ou à solliciter, a minima, une demande de certificat d’urbanisme (CU) pour geler les droits à construire existants.

Par Ombeline SOULIER DUGENIE

Attention aux documents rédigés en anglais dans l’entreprise !

Dans un arrêt du 11 octobre 2023 (Pourvoi nº 22-13.770) la Cour de cassation juge que les documents par lesquels l’employeur fixe les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle d’un salarié doivent être rédigés en français même si l’anglais est pratiqué couramment dans l’entreprise du fait de son intégration à un groupe international.

  1. Les faits

Un salarié chef de projet dans une entreprise filiale d’une société américaine où tout se fait en anglais avait saisi les juges d’une demande de rappel de rémunération variable au titre des années 2014 à 2017. Il disait que les objectifs définis pour le calcul de cette rémunération variable n’ayant pas été rédigés en français mais en anglais, ils ne lui étaient pas opposables, de sorte qu’il aurait dû percevoir la part variable prévue à son taux maximal, comme s’il avait rempli l’ensemble des objectifs.

Les juges d’appel n’ont toutefois pas accueilli sa demande, estimant que la seule circonstance que le document ait été rédigé en anglais ne suffisait pas à rendre les objectifs inopposables au salarié. À tort.

  1. La décision

Le Code du travail impose que tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail soit rédigé en français (C. trav., art. L. 1321-6, al. 2). 

Pour la Cour de cassation, dès lors que « les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle n’étaient pas rédigés en français », ils devaient être jugés inopposables au salarié et ce, quand bien même l’anglais était utilisé dans l’entreprise.

Cette décision n’a rien de surprenant, la même solution ayant encore été retenue récemment, pour censurer l’arrêt d’une cour d’appel ayant jugé un plan de commissionnement rédigé en anglais opposable au salarié au motif qu’il était constant que la langue de travail de l’entreprise était l’anglais et que les échanges de mails produits entre les parties étaient, pour la plupart, en anglais, y compris les documents de travail établis par le salarié lui-même (Cass. soc., 7 juin 2023, nº 21-20.322 D). 

Peu importe que le salarié maîtrise ou non la langue étrangère employée (Cass. soc., 29 juin 2011, nº 09-67.492 PB).

  1. Que risque la société si les documents sont rédigés en anglais ?
  • D’avoir à payer 100% de la rémunération variable sur 3 ans même si les objectifs de sont pas atteints
  • De voir juger le licenciement pour insuffisance professionnelle sans cause faute d’objectif valable.
  1. Les solutions : comment vous défendre ?
  • Prouver que les documents ont été « reçus de l’étranger », conformément à l’alinéa 3 de l’article L. 1321-6 du Code du travail. Ce pourrait être assez facile du fait du reporting matriciel dans les groupes (ex :  manager situé à l’étranger qui envoie les objectifs, plan de rémunération variable mondial, etc.)
  • Prouver que le salarié plaignant est étranger (Cass. soc., 24 juin 2015, nº 14-13.829 P).
  • Nous conseillons aussi d’insérer une clause dans le contrat de travail dans laquelle le salarié accepte que tout soit fait en anglais dans l’entreprise (email, documents, etc.) et qu’il reconnaisse maîtriser parfaitement la langue.

Par Benjamin LOUZIER

La DGCCRF met à jour sa FAQ sur les pénalités logistiques.

Ces nouvelles lignes directrices relatives à l’application des articles L. 441-17, L. 441-18 et L. 441-19 du code de commerce mettent à jour celles de juillet 2022 prises à la suite de la Loi Egalim 2. Elles prennent en compte les évolutions liées à la Loi Decrozaille, notamment pour :

  • « clarifier la notion de déduction d’office des pénalités en indiquant que celle-ci est caractérisée lorsque le distributeur déduit du montant d’une facture du fournisseur la somme correspondant à des pénalités logistiques, alors que le fournisseur a contesté ces pénalités dans le délai prévu par le contrat » ;
  • Etablir qu’« une livraison après l’horaire de fermeture d’une plateforme logistique équivaut au non-respect de la date de livraison » ;.
  • Déterminer les produits qui constitue l’assiette à prendre en compte pour calculer le nouveau plafond légal de pénalités correspondant à 2% du montant total de produits commandés.

Lien : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/foire-aux-questions-portant-sur-les-lignes-directrices-en-matiere-de-penalites-logistiques

Frédéric Fournier

Avocat Associé

Redlink

Société d'avocats