Réseaux de franchise – Click and Collect : Quelles obligations pour le franchiseur en cas d’exercice par le consommateur de son droit de rétractation ?

De nombreux franchiseurs organisent sur leur site internet des systèmes de click and collect permettant aux consommateurs d’acheter les produits sur ce site puis de les retirer au sein des points de vente des franchisés.

Il est généralement admis que cette formule de vente est soumise aux règles des contrats de vente conclus à distance, dont celles relatives au droit de rétractation du consommateur (comp. : DGCCRF, Avis du 22 juillet 2014 relatif aux ventes « en drive »), sauf exceptions prévues par le Code de la consommation (biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, biens susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement, biens ayant été descellés par le consommateur après la livraison et ne pouvant être renvoyés pour des raisons d’hygiène ou de protection de la santé, etc.).

Dans ce cadre, la question se pose des obligations du franchiseur en cas d’exercice par le consommateur de son droit de rétractation.  

Deux hypothèses semblent devoir être distinguées :

  • Soit, c’est le franchiseur qui vend, par l’intermédiaire de son site internet, les produits au consommateur, qui les retire au sein du point de vente d’un franchisé.

Dans cette hypothèse, le franchiseur étant le « professionnel » ayant vendu les produits, le régime du droit de rétractation du consommateur s’applique à lui.   

  • Soit, c’est le franchisé qui revend, par l’intermédiaire du site internet du franchiseur, les produits au consommateur, qui les retire au sein de son point de vente.

Dans cette hypothèse, le franchiseur n’étant pas le professionnel ayant vendu les produits, l’on pourrait considérer que le régime du droit de rétractation du consommateur ne peut s’appliquer à lui.   

Dans un arrêt du 17 février 2021 (n°19-20.380), qui concernait la seconde hypothèse, la première chambre civile de la Cour de cassation ne retient pourtant pas cette dernière solution.

Un consommateur avait commandé un produit sur le site internet du franchiseur, dont le retrait avait été effectué quelques jours plus tard dans les locaux d’un franchisé. Après avoir tenté d’exercer son droit de rétractation, le consommateur avait sollicité devant le Tribunal d’instance compétent la condamnation solidaire du franchiseur et du franchisé à lui rembourser le prix du produit concerné.

Le Tribunal d’instance avait fait droit à cette demande, estimant en substance que si « la franchise reliait deux commerçants, franchiseur et franchisé, juridiquement indépendants », le franchiseur devait encourir « une certaine responsabilité », dès lors qu’il « contrôlait étroitement les conditions d’exercice de l’activité de ses franchisés ».

Le franchiseur sollicitait la cassation de cette décision, aux motifs notamment que « la responsabilité civile contractuelle de droit commun du franchiseur ne peut être retenue au titre d’un acte conclu entre un franchisé et un tiers auquel il n’est pas partie ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi, considérant que :

  • « Le tribunal n’a pas retenu que le franchiseur était un tiers au contrat mais a constaté que la commande avait été passée sur le site Internet du franchiseur et que celui-ci n’avait pas respecté la loi dite Hamon s’agissant de l’exercice du droit de rétractation ainsi que ses propres règles relatives aux conditions de vente figurant sur son site Internet » ;
  • « De ces seules constatations, (…) le tribunal d’instance a pu déduire que la responsabilité du franchiseur était engagée solidairement avec celle du franchisé ».

Cette décision nous paraît critiquable à plusieurs égards :

  • De manière générale et par principe, ainsi que le relevait le pourvoi, le franchiseur ne peut être responsable du fait de son franchisé, commerçant indépendant, de même qu’il ne peut engager sa responsabilité en raison de la mauvaise exécution par son franchisé des obligations contractuelles souscrites par ce dernier auprès d’un tiers.

En l’espèce, le franchiseur faisait d’ailleurs valoir que ses conditions générales de vente sur internet prévoyaient expressément que les franchisés étaient « entièrement responsables des ventes conclues avec des tiers dans leur établissement et en ligne, sans solidarité avec le franchiseur ».

  • De manière plus spécifique, il convient de relever que la Directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 encadrant le droit de rétractation du consommateur en matière de vente à distance :
    • Définit le « contrat à distance » comme « tout contrat conclu entre le professionnel et le consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, jusqu’au moment, et y compris au moment, où le contrat est conclu » ;
    • Définit le « professionnel » comme « toute personne physique ou morale, qu’elle soit publique ou privée, qui agit, y compris par l’intermédiaire d’une autre personne agissant en son nom ou pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale en ce qui concerne des contrats relevant de la présente directive » ;
    • Précise que « La notion de système organisé de vente ou de prestation de service à distance devrait inclure les systèmes proposés par un tiers autre que le professionnel mais utilisés par ce dernier, par exemple une plateforme en ligne ».

De sorte que dans l’hypothèse où il propose au franchisé de revendre ses produits par l’intermédiaire de son site internet, le franchiseur ne devrait pas être considéré comme le professionnel ayant conclu le contrat de vente à distance avec le consommateur, mais comme un tiers à ce contrat, et donc ne pas être soumis au régime du droit de rétractation.  

Régis Pihery
Avocat Associé